dixième semaine  ..


lundi 18 mai : liberté chérie ...


Dans l’entourage des savants et médecins, travaillaient maints mathématiciens et experts en calculs, arithmétique et algèbre. L’art de la médecine leur cédait parfois le pas : il fallait tout bien vérifier, faire ressortir, par comparaison de grands nombres, quelle serait la meilleure potion, l’efficacité des becs ou masques, les distances de contamination ou même le succès et l’intérêt des mesures prises.

En s’emparant de si nombreux calculs, les chroniqueurs et débateurs publics avaient nourri nos longues heures d’ennui devant nos magiques lucarnes. On se souviendra longtemps des débats enflammés autour des multiples calculs et études comparant les mérites des potions du savant marseillais avec ceux d’autres potions découvertes ou existant ailleurs.

Les cas étaient multiples, toute chose n’était qu’approximative et bientôt il ne resterait plus assez de malades pour faire d’amples et solides études. La controverse avait seulement combattu les méthodes de ce trop populaire médecin. Quant aux autres, la chose n’avait guère avancé : on cherchait toujours, mais en vain : la bête était vicieuse, protéiforme, et peut-être appelée à revenir.

 

Sans bonnes nouvelles, on comptait les morts et les nouveaux malades. Le nombre effarant de pauvres vieillards que l’on avait laissé à la porte des hôpitaux, dans leurs tristes hospices, sans soins efficaces et bons moyens, augmentait sans cesse et venait assombrir le bilan périodique que publiait le Grand Conseil. On figurait, désormais, parmi les quelques pays les plus affectés par le Mal.

 

D’autres mathématiciens travaillaient sur toutes matières : il s’agissait de mesurer l’utile comme l’accessoire, de vérifier même l’évidence, au risque d’amuser le bon peuple ou de marcher à l’inverse des mesures ou règlements établis.

Ainsi, on avait cru utile de vérifier, sur rats de laboratoires, la contagion du mal selon que l’on était ou non séparé d’un tissu analogue à celui de nos petits masques. On en prouva ainsi l’utilité, et, surtout on calcula le pourcentage exact de chance que l’on avait d’être contaminé avec ou sans semblable protection. La science avait fait là un grand pas. On ne doutait plus que, si nous en avions été à inventer l’eau chaude, il se serait trouvé des gens d’études pour calculer la température exacte de l’eau tiède.

Deux autres études, sérieuses et de sujet plus conséquent étaient parues. Elles ne furent que peu mises en avant par les chroniqueurs officiels ou bien en Cour. On y comparait, selon les pays, l’efficacité qu’avait eu un confinement très strict par rapport aux consignes plus libérales, mais raisonnées, qui étaient de règle dans d’autres royaumes. On concluait qu’il n’y avait point de différence et que la rigueur n’apportait rien. Pire, une étude faite sur notre Royaume, concluait en disant que l’affirmation qu’avait faite le Premier Conseiller, chiffrant à 60.000 le nombre des morts épargnés par la rigueur de ses décrets, était infondée et simple pétition de principe.

 

De plus en plus, dans le peuple, on voyait que l’on avait abandonné sa liberté d’aller et venir sans vrai raison, par simple caprice d’adjudant.

 

Chez nous :

Il fait toujours beau, c’est déjà ça…

 

« J’écris ton nom, Liberté… » qu’il disait

Pas utile : c’est gravé dans le marbre sur tous les frontons des édifices publics, marqué sur tous les tampons scellant les documents officiels et, accessoirement, chanté avec l’hymne national par tous les anciens combattants, mais aussi les footeux aux matchs, les enfants des écoles, les anciens résistants comme les néo-fachos … alors, est-il besoin …

Si je me souviens bien, l’origine de la chose, c’est la référence aux « droits de l’homme et du citoyen » version 1789 …

« Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. »

Sans grande référence juridique, ça fait partie du « bloc » de dispositions qui doit régenter tout notre dispositif législatif ou réglementaire.

La vache : on a pas mal dérivé en un demi-siècle …. Entre ce qui est interdit de faire alors que cela ne porte préjudice qu’à nous même ou que l’on peut faire sans danger, les graines que l’on peut ou non semer, les variétés de fruits que l’on peut ou non vendre, les normes existantes en toutes matières … et les amendes ou sanctions qui vont avec, les rêveurs qui croient en un autre monde possible sont mal partis…

Et avec notre petit confinement, on a un bon exemple … l’utilité supposée ou réelle des mesures n’est même pas en cause, c’est leur arbitraire (1 kilomètre, puis 100) ou des déclarations du style « on n’a pas envie de voir les gens se précipiter vers les plages … ». Je retrouve le comportement des mes pions de collège (l’un en particulier, que même le surveillant général trouvait stupide …) leurs punitions collectives …

Perso, ça m’effraye un peu, comme la passivité des gens devant ces limites à la liberté… et rien, aucun changement, ne sera possible sans elle.

« Liberté », il faudra quand même penser à rayer ce mot là de la devise nationale, ce n’est vraiment plus d’actualité

 

A demain. ..

 


mardi 19 mai : guère de nouvelles ...


 

Hier, le Conseil des Juges rendit un arrêt. Cette haute assemblée de Chats Fourrés avait, entre autres, tâche d’indiquer au Grand Conseil si les dispositions qu’il prenait ou envisageait étaient en accord avec la grande Chartre du Royaume. Mais, au contraire de la Haute Cour, son avis n’était nullement sanction. De plus, l’accès à cette haute fonction était fermement tenu par le Conseil, si bien que ses membres avaient rarement envie de lui déplaire. Ils firent exception cependant et dirent que l’on ne pouvait interdire aux paroissiens l’accès à la Sainte Messe, ni de créer un interdit au détriment des seuls catholiques. Ces derniers applaudirent ces bons juges, en dépit du fait qu’ils leurs faudrait prendre telles précautions que l’office n’aurait pas grande pompe.

 

Le Roi, lui, fit déclaration commune avec l’Allemagne pour annoncer qu’ils rassembleraient grande trésorerie permettant, le Grand Mal passé, un prompt retour à l’opulence des affaires. Avec Billets à ordre ou Prêt à la grosse aventure, le petit peuple savait que la charge finirait par lui en échoir. Quant à la volonté annoncée de moderniser les hôpitaux, si malmenés en France, elle avait été évoquée tant de fois sans que cela ne se fut traduit par nombreux carabins ou aides, qu’elle ne pouvait guère provoquer l’enthousiasme. On passa rapidement sur l’affaire.

 

Le petit peuple, lui, avait été tenu trop ferme et sur la seule menace d’amendes ou châtiments. Dès que l’on eu relâché un peu la corde qui le tenait, il bondit joyeusement hors de sa maison, se précipita sur les quelques espaces de promenade qu’on lui permettait, oubliant les précautions utiles, en même temps que l’objet ou la raison qui avait conduit à son enfermement antérieur.

Bâton au lieu de raison, pris pour sots, ils devenaient tels.

 

Pannessières :

Dure reprise : Hier, vélo, quarantaine de kilomètres sur le plateau, sans vrai dénivelé.

Après un hiver long et statique, après 2 mois de con-finement calamiteux, et une carcasse qui n’est plus qu’un vieux tas d’arthrites … très dur !!!

Mais bon … temps doux, léger vent du nord et une nature splendide : on n’en parle même pas …

C’est le printemps, il n’y a plus qu’à …

 

A demain.

 


mercredi 20 mai : Pinocchio ...


Hier, on revint sur quelques déclarations du Roi : Interrogé par un chroniqueur sur la manière dont on avait traité le Grand Mal, il assura que l’on avait, de fait, manqué de rien et que, si becs, masques et blouses ne s’étaient trouvé que difficilement, c’est que justement l’on en maitrisait l’usage afin de n’en point manquer. La chose était un peu raide : on avait bien vu que le début du fléau s’était traité sans nulle protection, que les carabins n’avaient reçu d’aide que des gens du peuple et que, parmi eux, beaucoup avaient été victimes. Le bon matériel, lui, ne leur était parvenu, en suffisance, qu’une fois malades partis et lits vidés, soit par guérison, soit par trépas.

On se récria hautement. Si le Roi avait été formé à l’image de ce petit bonhomme de bois dont le nez grandissait à chaque menterie, l’appendice royal eut, sans doute, atteint une dimension dépassant celle de Monsieur de Bergerac.

On comptait, sans doute, sur l’oubli et la sottise du petit peuple, comme cela se supposait et s’encourageait dans l’entourage royal. Il est vrai que ce dernier n’était que de jeunes et petits marquis, joyeux et ribauds pour quelques-uns, mais tous ayant haute opinion d’eux-mêmes et surtout pleins de morgue à l’égard du commun.

 

Chez les carabins, on respirait un peu : moins de malades, l’orage semblait passé et le fléau, dévoilé, pouvait être mieux maîtrisé. Les petits intendants, les envoyés du Médecin Royal pointèrent à nouveau le nez pour compter les lits vides, le prix que l’on pourrait tirer, évaluer la finance des hôpitaux. On n’avait guère parlé, là-haut, même par simples promesses, de substantielle augmentation du nombre de carabins ou aides, de leur solde, ou de nouveaux hôpitaux et lits de malades. On avait juste évoqué modernes améliorations. Dans les hôpitaux, on craignait, à raison, qu’une fois l’affaire éteinte on retournerait vite aux économies et à grande misère.

 

Les gens de force ou de sport étaient aussi en grande colère. Les édits royaux les avaient laissés dans l’oisiveté et l’espace de leur intérieur, sans possibilité d’exercer amplement au dehors, ce qui était leur ordinaire. Ils voyaient, avec envie et perplexité, leurs confrères d’outre-Rhin reprendre, eux, le cours de leurs joutes et combats. Le royaume de France, sur ce point là comme sur les autres, cèderait bientôt le pas devant ses concurrents.

 

Côté remèdes, on avançait, mais à petit pas et certainement pas avant la fin de cette année de grâce. Outre méditerranée, dépourvus de moyens et remèdes, on se soignait avec plantes et traditions. Le résultat n’était pas pire.

Le Grand Mal, en plongeant le monde dans l’ignorance et l’impuissance, avait amené parfaite égalité, même entre sorciers et savants.

 

Chez nous :

Grande bise, temps sec et les foins sont à terre …Beau printemps en attendant la sècheresse promise.

 

Hier soir avec le cher vieux Piccoli et « Milou en Mai » … je n’y peut rien, mais c’est le film de lui dont je me souviens … quelques images : son sourire lorsqu’il pêche des écrevisses, d’autres sourires de lui, ses émotions … et le sujet un peu foutraque : rafraichissant, j’en avait (ai) besoin.

Inspirant aussi parfois …

Un extrait :

https://www.youtube.com/watch?v=8AzgSfdQalo

 

Bon, j’espère pour demain une nouvelle balade à vélo.

A plus.

 


Jeudi,  jour de l'Ascension - 21 mai : on est des fous ...


Alors que l’on fêtait petitement l’ascension de Christ, peu de bonnes nouvelles aux gazettes.

Le Conseil se penchait et consultait sur les suites de la Convocation des états, que l’on avait si maladroitement lancée quelques jours avant l’enfermement du Royaume et le déchaînement du mal. Faute d’en avoir terminé les travaux, on avait créé grand imbroglio, avec échevins déjà nommés, d’autres en passe de l’être et certains encore à élire. On règlerait la chose à la fin du prochain mois, ou, à défaut, il faudrait refaire, l’année qui suit, nouvelle Convocation générale. Si la pratique paraissait acquise, les choses, en droit, avaient de quoi rendre fou le plus expert des Chats Fourrés.

 

Le Médecin Royal, lui, faisait avancer le projet de rénovation des hôpitaux. Il assurait aux Carabins et à leurs aides, eux qui avaient si vaillamment combattu le fléau, qu’il ferait tout pour leur donner bons moyens et meilleure solde. Les convaincre était tâche difficile, après des lustres où, malgré implorations et protestations, ils avaient vu la dégradation de leurs maisons, de leurs moyens et même de la considération qu’on leur témoignait. Pire, on connaissait la teneur des études circulant au sein des cabinets de ministres. Il n’était nullement question de puiser profond dans la cassette royale, elle qui serait bientôt durement attaquée. Sans nul doute, il s’agirait plutôt de s’acoquiner avec banquiers ou bourgeois, de s’en faire partenaire et, œuvrant en commun, assurer aux uns de beaux établissements et, aux autres, juste retour en rémunération. On savait depuis longtemps que le profit de ces autres n’allait que rarement avec plus grand nombre de gens, gestion paisible, soins généreux et actes de charité chrétienne. Mais, au Conseil, on espérait que le Peuple serait dupe une fois de plus.

 

Dans les manufactures, la finance manquait déjà et l’on craignait faillite. La grande manufacture royale de coches, malgré de bonnes aides, songeait à renvoyer bon nombre d’ouvriers et à fermer plusieurs ateliers. D’autres manufactures suivraient, la misère guettait. On avait fait projet, avec le Saint Empire, de faire front et d’aider les royaumes d’Europe en bonne solidarité et fraternité : une situation aussi exceptionnelle l’exigeait. Les états de l’ancienne ligue des villes de la Hanse protestèrent, rappelant les rigoureuses et communes lois de commerce qui avaient fait leur prospérité.

 

Pour le reste, les gazettes allaient leur train, toujours dans le sens que le Conseil souhaitait, faisant craindre le retour du grand mal, fustigeant d’imprudents rassemblements et de petits désordres, montrant le petit peuple comme incapable. Mais à le prendre pour fol, ceux qu’il avait désigné comme maîtres ne pouvaient être que Rois des Fous, comme ces niais que l’on exhibait en Carnaval.

 

Chez nous :

C’était juste un entrefilet dans les nouvelles d’hier. Réglementation (européenne, je crois) interdisant totalement la vente des cigarettes mentholées, placées désormais au même rang que les drogues dures, douces ou même supposées comme le CBD, au même rang que certains médicaments nouvellement dangereux, ou que, pêle-mêle, les armes, les graines non certifiées, le purin d’orties, que sait-je encore … En fait, ce n’étais pas le fait que j’ai fini ma carrière de fumeur avec ce type de clopes qui me posait problème, mais l’argumentation que l’on avait développé pour obtenir l’interdiction de la vente des cigarettes mentholées. On ne mettait en avant que le fait que la saveur mentholée pouvait peut-être donner aux clopes un goût moins dégueulasse et ainsi inciter les gens et les gamins à se mettre à fumer.

C’était l’interdit de trop… outre la relative stupidité de la chose ça ne doit dépendre que de la responsabilité de chacun. Fumer, prendre soin de sa santé en faisant du sport, aller au travail en vélo plutôt qu’en voiture, etc…, ça fait partie de notre sphère de liberté, de nos décisions… Une dictature, même sanitaire, c’est une dictature …

Plus grave encore, ça veut dire que c’est à l’Etat de prendre ces décisions à notre place, comme c’est le cas pour tellement de choses…Plus grave, parce que c’est le traitement que l’on réserve aux « juridiquement incapables » et que ça veut dire que nous en somme.

Ce n’est pas que ça m’ennuie, mais ils devraient se méfier : si on est incapables, nos actes sont sans valeur … et comme c’est nous qui les avons élus, ils ne devraient pas s’en prévaloir pour se dire nos représentants et maîtres !!!

 

A+


vendredi 22 mai : peu de choses ...


Entre fêtes de l’Ascension et repos du Dimanche, nombre de travailleurs et gens des villes prenaient quelques jours de loisirs campagnards. Le temps était au plus chaud et l’enfermement rigoureux avait pesé sur les esprits. On se précipita, respectant ou contournant les interdits restants. Il y en avait encore beaucoup trop et le spectacle ne fut guère conforme à celui que l’on attendait. On vit partout des gens se presser en trop grand nombre au seuil de vastes espaces déserts que l’on tenait clos par arrêtés. A stupides et surréalistes règles répondaient mauvais et peu civils comportements.

 

Aux facultés, on ne voyait guère venir de nouveaux et graves malades. Les Médecins d’urgents secours, même encore indécis, commençaient à prendre confiance dans l’éloignement du Malin. Ailleurs, on était plus inquiet : en effet, on voyait revenir d’anciens patients qui se plaignaient à nouveau de troubles, comme dans ces fièvres antiques, quartes ou quintes, qui ne lâchaient pas et revenaient sans cesse. On se rappela l’une des inquiétudes du désormais célèbre médecin marseillais qui craignait que cette curieuse maladie, traitée souvent tardivement, n’entraîna de permanentes et sévère séquelles.

 

Côté finances, le Grand Argentier, tel matamore, proclamait confiance, efforts utiles et s’agitait devant les sombres nuages qui se dessinaient à l’horizon. On se préparait cependant : faute de pouvoir taxer marchandises lointaines et fortunes proches, on devrait beaucoup réformer pour maintenir debout les caisses de secours aux démunis qui se feraient nombre, affermir les hôpitaux branlants et même assurer bons soins aux plus cacochymes vieillards. Pour ces derniers, on ferait cassette spéciale pour ne pas creuser encore celle du commun. Mais, à caisses également vides, il ne s’agirait que de peser du vent.

 

On revint en politique, mais il ne s’agissait que de faire, ou faire semblant, en attendant le retour dans deux ans des états généraux. On avait failli, mais on ne craignait guère concurrence : on changerait de Grand Conseil, la date en était déjà prévue, le futur ferait quelques gestes et tout reviendrait en ordre.

 

En haut, on était serein, en bas, on craignait, à raison, grande misère

 

Chez nous :

Pas grand-chose, pas grand moral, temps chaud …

Pour mes petits camarades cyclistes, une « vision » suisse 

https://www.youtube.com/watch?v=rg-gtcyyfIg

 

A demain…

 


samedi 23 mai : on attend de voir ...


 Dans le Royaume, le peuple profitait de quelques jours de loisirs, usant petitement des quelques libertés et espaces qu’on avait bien voulus lui accorder.

Bons bourgeois, notables et anciens échevins fourbissaient leurs armes avant les états du Tiers qui, bientôt, les départageraient.

 

Dans les grands royaumes, la dispute sur les remèdes et potions battait son plein. Il est vrai que de grandes officines y étaient intéressé. Justement, la potion marseillaise, comme la manière d’en user venait d’être sérieusement écornée, dans le temps même qu’une autre, vantée par une puissante et généreuse pharmacie, semblait épargner aux malheureux malades quelques jours de souffrance.

 

Dans les cabinets, on était nombreux à se frotter les mains. Le Marseillais, qu’il ait raison, tort ou seulement partie, avait passablement irrité. Le Médecin Royal œuvra de suite afin que les Sages médecins retire sa potion des pharmacies hospitalières.

La joute faisait spectacle plus que progrès. Au moins, elle détournait le regard du peuple des graves soucis du moment, comme des manquements que chacun avait vu dans la capacité du Conseil à combattre le Mal comme on y avait réussi dans des royaumes voisins.

 

Chez nous :

Balade (motorisée, je suis encore un peu juste à vélo) vers le Hérisson et les Lacs … En fait, après deux mois sans revoir ces paysages, on se trouve tout bizarre … La nature est belle ..

Lac d’Ilay : pas de restriction d’accès : le virus préfectoral a épargné les lieux, une chance. De tout petits groupes au bord du lac, un gamin les pieds dans l’eau à chercher sous les pierres, comme nous autrefois : le bonheur, c’est simple …

Vite gâché : les superbes frênes du bord, éléments essentiels de toutes les photos de l’endroit ont pris la maladie …  Bientôt, il n’y en aura plus : je quitte les lieux, un peu triste.

 

A demain … pour la fin de cette dixième semaine de confinement

 


dimanche 24 mai : pas la joie ...


Chronique du royaume :

 

La veille, on avait regardé le spectacle de la grande joute des potions. Celle du Marseillais avait été touchée pendant que celle d’outre-océan marquait quelques points. Le Médecin du Roi s’était précipité pour demander d’ôter la première des pharmacies. La lutte qui semblait se terminer en faveur de la seconde avait bien alimenté les gazettes, plus encore que celle, très ancienne, de Valladolid …

On observait cependant que l’on avait pris soin, dans les études que l’on montrait, d’utiliser la première au rebours des préconisations et posologies de son promoteur pendant que l’on désignait comme miracle les maigres avantages de sa concurrente. De plus, de petites voix soulignaient que les fabuleux gains à espérer d’une toute nouvelle potion obscurcissaient le jugement de maints savants des offices. On avait négligé les anciennes potions au profit de cet espoir de richesses, certes, mais la chose devait aussi à l’incapacité dans laquelle on avait été, faute de becs, masques ou capes, faute de nombreux lits et facilités d’examens, de faire usage tel que prévu de la première, pour tous les sujets et dès les premiers signes du Mal. En haut, le Médecin du Roi, qui était surtout Conseiller et home lige des offices, ne pouvait faire montre de ses manquements devant tous.

 

Le Roi :

Annonça qu’il ferait discours ce mardi prochain sur les mesures qu’il prendrait pour assurer bel avenir à la Manufacture Royale de Coches. On tiendrait ateliers et ouvriers, on ferait modernes et économes coches, le tout, sans nul doute, à grand prix d’argent. Quelques mécréants, méchantes gens, rappelèrent que l’on s’était retiré de l’affaire pour de maigres compensations et surtout pour complaire aux marchands qui voyaient d’un mauvais œil les souverains se mêler d’entreprises. On n’avait, dans la conduite de la Manufacture, plus guère voix au Chapitre. L’argent que l’on mettrait pour restaurer la Manufacture devrait être de bien plus que ce que l’on avait tiré, dans le passé, pour son abandon.

 

Dans les royaumes d’Europe :

Le Roi, en accord avec celui du Saint Empire, avait prévu de faire caisse commune et solidaire avec tous pour parer au désastre de finances qu’entraînait le long arrêt des ateliers et commerces. La chose n’était pas dans la droiture des règles de la Hanse et ne plaisait guère dans les royaumes du Nord. Il y avait cependant, en la matière, nécessaire action et ces royaumes présentèrent beau projet, paré d’intentions, mais fort différent. On aiderait, certes, mais cela contre bon accord, compensations et abandons de valeurs. La forme était connue, on s’en était servie lorsque la Grèce, qui n’ayant de richesse que son ancien prestige, s’était trouvé dans l’embarras. On lui avait certes prêté, mais tout pris en échange, jusqu’à ses antiques ruines.

 

Il n’y avait, en ce jour, nulle nouvelle qui donne espoir ou prête à glorifier la sagesse de Rois et Nations.

 

Chez nous :

A défaut de mes jambes, c’est ma tête qui voyage… Aujourd’hui, je repense à ces vieux en Ehpad, morts seuls, sans soins, ni secours … « Un vieux qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » qu’ils disaient … sauf que là, ça a été l’incendie de la grande bibliothèque d’Alexandrie.

Me reviens aussi la figure d’un camarade/ami (à 10 ans, la distinction n’existe pas). L’ami Marcou : par la suite, on ne s’est que parfois, trop rarement, croisé.

Il était artiste :

Quelques peintures : stupéfiantes,

Photographe : inspiré – mais il n’y a plus guère de place à une époque où la production quotidienne se chiffre en milliards et où celles qui marquent les esprits sont souvent de pur hasard.

Cela dit, grand talent, il était (je parle au passé, je ne l’ai pas vu depuis si longtemps...) il était un génie inconnu, mais auto-suffisant : son art était pour lui.

Je pense à lui à cause de ces vieux et d’une de ses photos : Maison de retraite, une vieille dame, belle, la légende de la photo donne son prénom. Elle est derrière la vitre panoramique de la maison. Des reflets sur la vitre, la dame devient elle-même reflet : l’autre côté du miroir … et je pense à tous ceux qui sont passé, avec quelques mois ou années d’avance, de l’autre côté.

 

L’affaire close, on fera, comme après chaque guerre, des monuments aux morts d’un côté, des arcs de triomphe de l’autre. Je rêve aussi de grands monuments : arcs pour se souvenir, certes, mais de nos hontes et l’on y mettrait :

Sur une face, les généraux et maréchaux sanguinaires de la première guerre, morts sereinement dans leur lit,

Sur une autre, les stupides badernes qui ont perdu si rapidement la seconde, et d’autres crétins coloniaux comme cet officier qui fit massacre des anciens combattants de Sétif,

Pour la troisième, tous ceux qui, par lucre, soif de pouvoir ou simple incompétence ont laissé mourir, après les détresses lointaines, les migrants aux frontières ou en mer, nos proches maintenant : vieillards, médecins et … Une seule face ne suffira pas.

 

Avec leurs conneries, on finirait par perdre le goût de l’amitié, du bien boire et des rires …

Pour oublier ça, Brassens (si je ne l’ai déjà pas fait) :

https://www.youtube.com/watch?v=zvo64Hv6gfI

 

A plus.

 


Lundi 25 mai : mieux vaut en rire ...


Peu de nouvelles en ce lundi d’une nouvelle semaine de partiel enfermement. On espérait qu’elle soit dernière. La peur du Grand Mal quittait le peuple. On ne voyait plus se suivre les trop nombreux convois funèbres et les gens avaient repris le chemin soit des églises, soit de belles campagnes. On reprenait, à petites doses, mais goulument, le goût des choses.

Le monde restait toutefois figé : en bas, on craignait manque d’argent et d’ouvrage, en haut, on s’apprêtait à faire réforme pour éviter récriminations ou pire, révoltes. Mais pour cela, les choses étaient encore à mettre en ordre.

Faute de nouvelles, bonnes ou mauvaises, on se contentait d’annonces, la moindre faisait le bonheur des gazettes. Et encore, à force de manque, on en était venu à faire écho et nouvelle de simples annonces de futures proclamations d’intentions : les échotiers sommeillant, les chroniqueurs désœuvrés, la plus petite chose était bonne pour le débat.

 

Dans les provinces de l’Ouest, pays de Chouans, un gentilhomme de petite mais bonne noblesse tenait un spectacle montrant anciennes joutes, exploits chevaleresques et haut faits d’armes. Très attaché à l’ancienne royauté, féal parmi les féaux, mais un peu fol – son théâtre se trouvait d’ailleurs au Puy du Fol- il s’était fait ami du Roi. Son œuvre pâtissait de l’enferment des gens et ses mirifiques spectacles étaient en danger s’ils ne s’ouvraient pas bientôt à leur public. Le Roi, bon prince, lui permis de dire qu’ils reprendraient dès le 11 prochain. Partout où l’on ne savait encore quand on pourrait rouvrir cirques et salles, spectacles de jonglerie ou troubadours, on se récria hautement.

Ce petit chahut devint débat : au moins, on tenait là sujet plus plaisant et drôle que d’ordinaire.

 

Pannessières :

 

Hier, les routes du plateau : chaud, quelques nuages et petite brise.

Bien, nous croisons plein de cyclistes et parmi eux de bons camarades randonnant à la journée. On profite, on retrouve le goût des choses, comme tout le monde : pêcheurs sur la route de Chalain, groupes de motards, camping-cars en nombre.

Quelques kilomètres sur chemin et première crevaison de l’année : la chambre à air de secours est pré-percée, la mini pompe à main insuffisante : matos de M…  mais ça fait partie de l’ordinaire de l’activité : on profite !

 

Une séquence vélo sur INA : les « Boucles de la Besvre » :

https://www.youtube.com/watch?v=_OgkJfJiHhk

 

 A demain

 


mardi 26 mai : dissentiments ...


Attendant qu’on veuille bien le libérer davantage, le bon peuple languissait, n’ayant que peu de plaisir dans les nouvelles que l’on diffusait. Le Mal refluait et à moindre peur, l’envie de voyages, joyeuses beuveries ou loisirs grandissait. Il craignait cependant que l’on continue de lui agiter l’épouvantail afin d’éloigner encore ces charmantes perspectives.

Les craintes agitées venaient de ce que l’on n’avait pas encore trouvé bon remède. Tout au plus avait-on tordu le cou à la potion marseillaise. On en avait fait grand essai, mais sur de pauvres malades, déjà bien atteint dans leurs œuvres vitales… la chose venait un peu tard et ils mourraient tout aussi noblement et facilement que d’autres. On n’eut beau protester de ce que la manière n’y était pas, le mal était fait et presque tous se détournèrent du savant mage qui l’avait promu. D’autres remèdes ne faisaient guère plus effet sur les plus malades. Faute de quoi, les riches et puissantes officines cherchaient une potion qui, administrée à grand nombre, les protègerait contre un possible retour du Grand Mal. L’espoir de trouver et traiter était lointain et beaucoup se souvenaient de cette semblable potion que l’on avait acquise en grande quantité pour un autre mal qui n’avait point reparu.

Ces choses étaient complexes, on avait par trop débattu et le peuple était las, saoul de paroles et conseils, fatigué d’interdits et règlements, colère de poursuites et amendes.

 

Plus drôles avaient été les faveurs que le Roi avait montré au fol et vendéen Vicomte de Villiers qui, paraît-il, avaient encore plus déplu à son Premier Conseiller qu’aux théâtreux et gens de cirques eux-mêmes. Leurs dissentiments devenaient habitude et l’on se demandait quand le bon Roi reprendrait quelques couleurs et de débarrasserait du fâcheux. On croyait en connaître la date, mais il fallait que le Premier mène encore l’affaire quelques temps.

Il s’était fait illustre plus que son maître, mais sa fin était écrite. Il faudrait bien qu’un jour le Roi revienne en lumière et gloire.

 

Pannessières :

Pas grand-chose, on ronge son frein et la connectique électrique du vélo de voyage de Jo fait des sienne … va falloir s’y coller (nb : je regrette le temps béni où la connectique était faite de « sucres » facile à dompter avec un simple tournevis – je crois que je vais me dépanner avec ça …)

J’ai lu avec une certaine émotion l’histoire de cette fille, indienne, qui, pour ramener son père blessé et chômeur dans son village natal, l’avait chargé sur le porte bagage de son vélo et fait plus de 1.000 kms (1.200selon d’autres sources) en une semaine … ça a ému, même dans son pays.

Je connais la distance et j’imagine bien : ça représente au moins l’équivalent d’un paris Brest Paris : (même avec 200 bornes de moins), avec la charge et un vélo de là- bas… Mais surtout, ce que j’admire, c’est la capacité de répondre avec de si faibles moyens à toute situation : c’est leur force … et accessoirement, ce qui nous manque et manquera …

 

Je retourne à mes connections électriques – A +

 


mercredi 27 mai : quelques craintes ...


Le Roi fit visite aux ateliers et manufactures de coches, gravement menacés du fait de l’immobilité des gens et de l’incertitude de lendemains : personne n’osait plus faire commande. Faute de gains, les nouveaux maîtres de l’ancienne manufacture royale songeaient à quitter le royaume, laissant tâcherons et compagnons dans le besoin.

Soucieux d’éviter pareil désastre, le Roi annonça que l’on distribuerait quantité de pistoles à ceux qui feraient l’achat de nouveaux coches, certes très soucieux de la propreté des rues et de l’air des villes, mais fort couteux. Certaines de ces aides étaient réservées aux plus modestes : ceux-ci n’y trouveraient sans doute pas suffisamment pour s’engager dans de telles dépenses.

 Autre distribution serait faite pour les maîtres de fabriques s’engageant dans les études et fabrications utiles à ces nouvelles calèches. Cela était bel et bon, mais on ne pouvait que négocier et espérer promesses des grandes manufactures afin que leurs ateliers restent au sein du royaume. De méchantes gens craignaient que ces mirobolantes distributions ne finissent, à terme, par enrichir les contrées du Grand Mogol sans vrai gain pour le royaume.

 

Du côté de la maladie, on s’était, à grand mal, débarrassé de l’encombrante potion marseillaise qui avait bien trop soulevé d’espoirs. On songeait désormais à écarter son tonitruant promoteur. Ce dernier s’était, au début du mal, précipité avec sa potion comme taureau dans l’arène. Il en ignorait certaines règles et les petits mais lumineux bonshommes qu’il y avait trouvé auraient bientôt raison de lui. Revenu à une plus claire vision, il donna audience à un célèbre chroniqueur qui le fit parler et le tarabusta quelques peu. Il se montra sous un jour humble et souligna que l’on avait, de fait et peut-être faute de moyens, jamais opéré de la façon qu’il disait, faussant ainsi les enseignements tirés et qu’on lui opposait. L’affaire échappait au plus grand nombre, mais on comprenait cependant qu’examens attentifs et soins précoces étaient, plus que tout, bonne et valable méthode pour contrecarrer l’œuvre du Malin. On avait, comme dans ces guerres anciennes, voulu défendre en s’enterrant dans tranchées et se cachant derrières parapets plutôt que de se lancer au plus tôt et glorieusement sus à l’ennemi. On avait fini par vaincre, mais sans vrai gloire et avec grandes pertes. La guerre allait à sa fin, le bonhomme, serein, attendait le jugement des gens de bien et non celui de Cour.

 

Le bon peuple attendait toujours, lui, qu’on le relâche pour prendre loisirs avant d’affronter la sombre période qui se montrait à l’horizon. Dans le monde, l’arrêt de voyages et usines avait ruiné et plongé dans la misère tellement de gens que l’on ne pouvait même imaginer. On avait aussi et partout enfermé, contraint et puni tant et tant pour éviter contagion. On craignait que l’habitude n’en fût prise et soit étendue à toute chose ou motif : richesse perdue, la liberté pourrait suivre…

 

Pannesières :

 

Hélas, pas grand-chose, et les timides annonces sur l’échéance du 2 juin ne me rassurent guère : la « bande au Professeur Nimbus » est toujours là : je remonte le gramophone

https://www.youtube.com/watch?v=SaKeQjjzExA&t=9s

 

à demain ..

 


Jeudi 28 - vendredi 29 mai : l'annonce, enfin ... en FIN


Le premier conseiller prit enfin la parole tard dans l'après midi … il convint que le mal s'était éloigné suffisamment et que l'on pouvait de nouveau sortir de son village ou de ses environs. Il y mettait bien quelques bémols et conditions, en rejetait l'effet à quelques jours, mais l'essentiel était dit. On pourrait désormais aller dans tout le royaume, les estaminets et auberges pourraient de nouveau mais prudemment recevoir et les enfants pourraient, peu de temps il est vrai, retourner aux écoles.

 

Las, dans le même temps, des ateliers fermaient, des manufactures partaient au loin et nombre de tâcherons ou compagnons se trouvaient sans ouvrage. Les gens étaient désorientés, on avait perdu le cours des choses et l'on balançait entre anciennes peurs et crainte de lendemains. La joie n'éclatait pas, on gardait souvenir des menteries et maladresses des Conseillers et Intendants autant que celui des pauvres morts fauchés par le Grand Mal . On rageait que l'affaire finisse ainsi, sans vrais dommages ni suites pour ceux qui les avaient si mal gouvernés et dont on soupçonnait l'incapacité à empêcher les désordres d'argent qui frapperaient bientôt les humbles.

Avec petite peur restante, incertitudes et craintes, ce ne fut que triste fête,

 

Et pour nous :

Ouf !!! je craignais encore quelques stupidités qui nous auraient empêché de rejoindre la famille, de reprendre le vélo là où nous l'avions laissé, avec quelques jours de calme randonnée entre étangs languedociens et Corbières … et j'espère n'avoir pas trop pâti de cette parenthèse finalement assez destructrice, autant sur le plan physique que moral.

Bon : retour sur OPENRUNNER et la préparation d'itinéraires / hébergements : la vie normale quoi …

 

Du coup, Clap de fin pour cette chronique : il est temps (sauf événement particulier) de passer à autre chose … et le vieux Brassens, chantant pour un film qui est une antiquité – mais deux couplets qui, sortis de leur contexte cinématographique, me parlent parfois ...

https://www.youtube.com/watch?v=JY9Xj2Q19Uo

 

Portez vous, profitez … à plus, de temps à autre...


mercredi 3 juin : quelques nouvelles

Au lendemain de sa presque totale libération, le bon peuple avait largement sacrifié à ses habitudes anciennes et loisirs extérieurs. Le bon ordonnancement des parcs et jardins en avait quelque peu pâti. Les gazettes s’en émurent et flétrirent ces mauvais sujets, sans, d’ailleurs, penser aux multiples suppressions que l’on avait faites de récipients à déchets ou de jardiniers attachés à ces jardins.

 

Le lendemain, chacun reparti au travail. Quant aux nouvelles elles nous vinrent des Amériques. On protestait là- bas, en foule, contre de méchants policiers, qui, habitués de violences et attachés au mépris que l’on conservait à l’égard des anciens esclaves, avaient, sous prétexte d’arrestation, tué un pauvre nègre. Notre bon peuple, lui, s’en émouvait, sans penser, dans sa grande majorité, à semblables affaires et mortels manquements commis chez nous. Un cortège de protestation se mis néanmoins en marche. Il rencontra les hommes d’armes du Prévôt parisien, qui, menton et regard droit, affirma contre l’évidence que, chez lui, tous étaient des plus respectueux des principes du Royaume, comme de toute loi ou commandement.

 

En haut, on agitait les peurs. La maladie ne faisait plus guère recette, on avait peine à soutenir les dernières craintes, d’autant que les autres royaumes s’ouvraient au plus vite et largement à la visite. Les erreurs et manquements du Grand Conseil étaient patents : chaque jour apportait son lot. Ce mercredi, c’est même une docte étude dont on s’était servi pour appuyer sur la tête du docteur marseillais et ôter sa potion des pharmacies qui avouait sa faiblesse et probable fausseté. Ailleurs, chez les carabins, la colère grondait. Au Conseil, on espérait seulement qu’entre les hargnes des uns et des autres : servants et aides contre médecins et barbiers, on se désunirait ou se ferait concurrence.

 

Pour les affaires et la cassette royale, les peurs étaient bien là, mais, privés de solutions ou espoirs, on ne pouvait guère en dire publiquement. On avait peine à reconstruire l’idée que nous pourrions reprendre à l’identique le cours des industries et commerces. Largesse d’emprunt n’y ferait rien, les manufactures partiraient, l’impôt ne rentrerait plus et même les lombards hésiteraient à remplir les caisses du royaume. La misère du peuple était dans toutes les têtes, on en craignait les effets.

 

On se disait déjà que les rigueurs dans lesquelles on avait tenu le Peuple pour combattre le Grand Mal avait été de bonne pratique. Le parlement à l’écart, toute loi édictée en Conseil et nécessités valant plus que principes avaient permis de tenir fermement le Peuple.

On songeait déjà à en faire prolongation jusqu’à la fin de l’été. Il y fallait encore quelques cas et reprise de maladie : au Conseil, on se mis à prier pour que le mal dure encore un peu.

 

Chez nous :

 

A Pannessières, reprise pénible du vélo entre douleurs et chaleurs : mais bon, le minimum syndical pour pouvoir, dans une bonne semaine, reprendre le cours de mes balades autour des étangs languedociens et, comme d’hab, toujours des sensations agréables : le vent, la nature, les paysages …

 

Hier, une revue de montagne rappelait le 70° anniversaire du premier 8.000 : Annapurna –

Herzog, Terray, Lachenal, les autres … Un ami me rappelait que l’on n’était pas tout à fait sûr du sommet pour Herzog…

 

Pour moi, la chose me parut secondaire : il y avait tout le reste. L’équipement ridicule en cette juste après-guerre, les 15 jours de marche depuis l’Inde, l’arrivée dans la vallée de la Kali Gandaki, si profonde que l’on ne voit même pas les sommets espérés, les cartes fausses. J’imagine le travail de prospection, les milliers de mètres de dénivelé accumulés et la précipitation devant l’arrivée de la mousson. Le récit est hors normes …

Une équipe, au départ, organisée sur un modèle stupidement quasi militaire, d’extraordinaires bonshommes : l’un qui sacrifie ses espoirs de faire le sommet, les deux autres qui savent que leurs pieds gèlent, la dernière tempête, le sommet sur leurs pieds déjà morts. Ensuite, la descente, le long retour dans la puanteur des chairs putréfiées… Alors, le sommet…

Je pense à ces hommes, leurs moignons, leurs futures godasses de montagne taille 32, la dernière crevasse de Lachenal…

 

Pour Herzog, l’avenir fut brillant et plus doux, passant même dans un cabinet ministériel. Il n’empêche, il était l’un des leurs.

Au fait, j’ai croisé cet homme. Il était Ministre des Sports, on inaugurait près de chez moi une « base de plein air » où l’on « enseignait » voile, canoë, escalade ou spéléologie … Adepte de la dernière activité, mon club de spéléo avait monté entre des arbres un « cirque » de tyroliennes, rappels ou échelles spéléo … Je faisais la démonstration sur les agrès. Intéressé par quelque chose qui lui rappelait la montagne, le Ministre, seul, se déplaça pour la fin de la démonstration. J’étais là, il avait le visage ouvert et souriant, le regard droit. Chez moi, quand on se salue, on se regarde dans les yeux. Je répondis comme à mon habitude en tendant la main, le regard dans le sien. Il fit de même : impression curieuse : son regard et son sourire, et le contact de ma main et de son moignon…

 

 A un de ces 4 … mais pas sûr : bientôt en route vers le Sud – Portez vous