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mardi 28 avril : voyage ...


Mardi 28 avril : voyage …

 

Dans le royaume :

 

On attend, sans grand espoir, les annonces du premier conseiller pour notre sortie d’enfermement.

Les échotiers sont silencieux, rien ne filtre, mais chacun se doute que la corde qui le tient ne sera que modestement allongée, du moins si ce n’est pour rejoindre son atelier.

La morosité est toujours le lot du petit peuple. Le Roi semble vouloir se taire et cela ne présage rien de très bon.

 

 

Aux hôpitaux, à force de dispenser les soins, de soutenir le plus atteints et d’observer les ravages du mal, on avance, et plus vite qu’en faculté ou lointains laboratoires. Une potion paraît convenir lorsqu’il s’agit d’arracher les malades à la désastreuse dégradation menant souvent à trépas. Un espoir naît, celui d’une issue moins fatale, hors les instruments et machines par lesquels on soutenait les agonisants.

On attendait tout de nos bons médecins et très peu de nos gouvernants ou doctes maîtres.

 

 

 A Pannessières :

 

Aujourd’hui : une pluie bienvenue, mais il en faudra plus ..

 

Hier, vers 15 heures : rien sur l’agenda, ça devient une habitude.

Quelques victuailles manquantes, par conséquent : après-midi de course.

Ce sera à vélo, bien sûr : ça nous permet, même en visant le supermarché le plus proche, de franchir les limites et de nous éloigner, sur nos montures, de plus d’un kilomètre. Avec, en plus, mes sacoches en place, ça ressemble à un vrai départ.

Beau temps, comme le matin, mais avec quelques nuages très sombres vers l’Est, au- dessus du plateau.

 

Départ serein et, sur profil bien descendant, arrivée rapide à notre but. On garde les bonnes habitudes de voyage : un garde les vélos, l’autre fait les courses. Aujourd’hui, je suis de garde. Josette met son masque : on ne voudrait pas filer un vilain virus à nos aimables et habituelles caissières : on les croise depuis si longtemps, on les voit souvent, bien plus souvent que notre propre famille, alors, bien sûr, on y tient.

Les courses sont faites, disposées dans les sacoches, on se dispose au retour : les nuages se sont un peu rapprochés. On quitte la ville, juste le temps de s’amuser des erreurs de conception des aménagements cyclables, et on atteint le petit oratoire qui marque les limites communales.

 

Le temps s’assombrit : histoire d’agrémenter notre sortie quotidienne, on engage la petite route de La Liesme sous quelques rares gouttes. Coups de tonnerre lointains, on va bientôt arriver au hameau. Les gouttes s’espacent, on néglige l’abri du lavoir public. Quelques maisons, on rejoint la campagne.

Ce n’est que plus loin, au pied de la dernière montée que les choses se précisent : d’abord des gouttes, grosses, très grosses : en frappant le sol, elles dépassent en diamètre celui d’une pièce de 2 euros. Les grêlons se mêlent à l’affaire : petits poids puis noisettes. Arrêt précipité, je sors pain, papier et chips de mes sacoches, enveloppe tout ça dans un sac plastique avant de les replacer à l’abri de ma sacoche et je songe à enfiler le coupe- vent diaphane, seul rempart que j’avais en réserve contre le mauvais temps… ça prend quelques temps : sur mon corps trempé et avec l’orage, il est instantanément traversé.

Il faut se remettre en route pour le dernier petit kilomètre nous séparant de la maison … Mais l’imprévu a tout changé : je retrouve les sensations de mes virées et voyages : l’agitation, les mouvements des doigts et orteils pour se réchauffer, les bonnes ou mauvaises fortunes du temps. Je me les rappelle : ce lavoir de haute Saône où nous nous avions pu nous réfugier alors que la rue était transformée en torrent, ce café de Vevy où, martelés de grêlons, nous étions rentrés à l’heure où les clients habituels sacrifiaient largement à l’apéritif anisé.

 

Nous forçons l’allure pour cet ultime kilomètre … mais nous ne sommes plus dans un de ces « déplacements dérogatoires » figurant sur l’attestation qui doit se gorger d’eau dans ma sacoche. Nous sommes des cyclistes sous l’orage, en voyage, subissant les aléas et imprévus de l’exercice. Une voiture nous croise. Je m’amuse en imaginant les réflexions du conducteur, voyant ces deux vieux en vélos, en tenue d’été sous la grêle…

Quelques hectomètres en forçant l’allure et puis la maison : vite à poil, serviette, habits chauds et thé … Le voyage n’aura duré que quelques minutes, 5 ou 10 tout au plus … mais c’était une vraie virée …

 

et, pour un court moment, une sortie de ce confinement qui nous pèse.

 

A demain …

 


mercredi 29 avril : Paroles, ...


Le premier conseiller fut seul, hier, à donner nouvelles sur la fin de la quarantaine imposée au peuple. Il parla solennellement devant des représentants du tiers état, réunis en petit nombre mais pouvant, au nom de tous, lui adresser critiques ou même manifester par un vote accord ou désaccord. Cela ne pouvait avoir conséquence et, au demeurant, par les effets du suffrage les ayant désignés comme représentants, ils étaient grandement acquis à sa cause.

 

Le discours fût passablement ennuyeux mais fort long, à la manière de ces dictateurs des iles sud-américaines. L’essentiel de son premier propos fut de décrire par le menu la situation à laquelle on était parvenu. Par grande production de chiffres, il fit état des ravages passés du Mal et de son faible recul. Il attribua ce dernier, certes au travail des carabins, mais aussi aux bonnes mesures qu’il avait prises et à sa fermeté à maintenir chacun enfermé. Il alla même jusqu’à chiffrer le nombre des sujets qui, sans son action, eussent péris. Il fut moins disert sur les retards et manquements dans le début de la lutte, pas plus que sur les capacités affaiblies de nos hôpitaux

 

Lorsqu’il passa à un possible élargissement des sujets à la date qu’avait indiqué le Roi, on changea de registre. L’essentiel du propos fut d’évoquer les possibles mesures qui permettraient la circulation des travailleurs vers les ateliers et manufactures ainsi que la réouverture des échoppes et commerces. L’affaire était complétée par le retour prudent, mais effectif des enfants aux écoles ou garderies afin que chacun puisse retourner à ses affaires. Les quelques indications qu’il donna ne satisfirent guère : tout cela était fort imprécis, laissé à l’appréciation des intendants, échevins ou maîtres. Aussi, le mélange des gens sur les lieux de travail ou dans les diligences faisait prévoir et craindre le grand retour de la maladie.

 

Cet élargissement des sujets n’allait pas jusqu’à inclure, quelque soit les mesures ou précautions prises, les commerces de cuisine et boissons, les théâtres ou la fréquentation des plages. Bien pire en était que les messes restaient interdites à la communauté, dans cette période où tous les dévots voulaient implorer le Ciel afin qu’il écarte les œuvres du Malin,

 

 Le reste fut à l’avenant : on pourrait aller et venir, mais, sauf impératif besoin, sans s’éloigner de plus de 25 lieues et sous réserve que l’on se trouve dans un district sûr. Pour en déterminer la nature de ce dernier, on examinerait, bien sûr le nombre de malades que l’on avait su y éviter, mais aussi les capacités en soins qui, souvent, venaient d’y être fortement réduites. La mesure était rude.

Notre élargissement ne serait donc pas à notre bon vouloir ou judicieuse appréciation, mais à celle des intendants, véritables roitelets provinciaux…

 

Le Roi avait promis date, mesures communes à tous le royaume sauf exceptions, confiance dans la commune sagesse, et l’on se retrouvait, pour loisirs et vie ordinaire, dans un carcan à peine desserré et tenu par de serviles caporaux. Le premier conseiller ne manqua pas d’en marteler les limites, d’exclure voyages dominicaux ou visites amicales et de conseiller aux ainés un maintien aux hospices.

Ces limites proclamées, n’étaient pour certaines, ni en harmonie avec celles des travailleurs, ni égalitaires entre tous les sujets, ni, ce qui était pire, strictement nécessitées par l’indispensable lutte contre le Mal. Elles apparaissaient contraires aux grands principes et lois fondamentales du Royaume.

 

Le Roi était, nonobstant, resté silencieux. On en déduit que le premier conseiller avait pris le pas, imposé ses vues. Ce n’était pas coup d’état, mais cela jetait le trouble.

Par quelques paroles ou proclamations malheureuses, mesures excessives, son discours avait divisé au lieu de rassembler.

 

 

Chez nous :

 

Pas fini de ronger son frein …ni d’imaginer comment on peut contourner l’affaire… si ça se trouve, on pourra plus rapidement aller se balader en Suisse qu’en Bresse …

En plus, côté sanitaire, ça ne donne pas forcément le moral : on découvre de nouvelles formes de la maladie, ce matin, c’est pour les gamins …

et côté traitements ça ne va guère vite, entre essais randomisés, études statistiques et comités de lecture scientifique, on est parti pour durer, d’autant que ça a quand même l’air d’être une sacrée et fantasque vacherie, ce truc …

 

Je remonte mes chaussettes, j’avais le moral dedans.

 

A demain pour de plus agréables nouvelles

 


jeudi 30 avril : jeu de cartes ...


Dans le royaume :

 

Hier fut réservé aux échotiers, chroniqueurs et fins diseurs qui, tous, se penchèrent sur la parole du premier conseiller et le futur de nos vies enfermées.

Le discours ne donnait que peu de certitudes ou précisions : l’affaire fit la journée entière et souvent, l’on se contenta de redire, sans grand commentaire et parfois au mot à mot, la parole du premier.

 

On parla beaucoup des écoles, mais comme l’essentiel était renvoyé à l’étude des maîtres ou édiles locaux, on resta sur sa faim et les chroniqueurs ne firent qu’endormir.

L’empressement à mettre le bon peuple au travail et, pour l’y conduire, à le jeter ou l’entasser dans des coches irrita autant qu’il fit peur. On n’en comprenait pas, de plus, l’urgente nécessité. Les grands argentiers, depuis quelques temps, se taisaient et nul n’avait pleine conscience et exacte connaissance des désastres de finances que la maladie et l’arrêt des manufactures allaient entraîner. La chose était inédite et l’on n’en concevait ni les détours ni la fin.

 

Enfin, ce fut la question de l’ampleur des libertés accordées dans l’après 11 mai qui interrogea. A la différence de l’adresse royale, on évoquait à présent un traitement différent selon districts ou contrées. On avait convoqué à cet effet intendants et échevins.

On établirait et dresserait pour ce jourd’hui une carte du royaume présentant les provinces où l’on jouirait de plus vaste liberté. Elles seraient désignées et peintes aux couleurs de l’espoir … Le sort des autres n’était guère évoqué, mais on imaginait bien que leur élargissement serait remis à plus tard, sinon aux calendes. Moindre espoir suscitât rancœur, d’autant que les districts ou provinces ainsi écartées étaient parfois celles dont on avait négligé ou réduit les hôpitaux et qu’ils supportaient ainsi les conséquences de l’avarice de nos gouvernants.

 

On rongeât son frein en attendant la parution des cartes de liberté. Ailleurs, en Faculté, on dissertait sur la maladie sans donner remède, on suscitait craintes sur ses nouvelles formes. L’avenir était sombre.

 

Le peuple était tenu comme petit enfant, le Roi était silencieux et le Premier Conseiller puissant.

Mais sa puissance et la fermeté qu’il montrait et faisait subir ne reposait que sur deux piliers : la crainte du Grand Mal et l’impuissance des savants.

 

A Pannessières :

 

Rien … ou si peu. Dieu merci, il pleut

 

A demain (en vert ou sinon contre tout)

 


vendredi 1° mai : jour de colère ...


 

Hier, dans tout le royaume, on attendait impatiemment communication des contrées et districts où l’on pourrait, dès le 11 mai retrouver une liberté, certes relative, mais ardemment espérée.

On montra tout d’abord ceux où, par bon comportement ou éloignement naturel, on avait su se tenir à l’écart du mal. On montra ensuite ceux qui disposaient de bonnes ressources en hôpitaux et carabins. L’écart était grand, et, comme l’on concluait que le moins favorable devait l’emporter, de nombreuses contrées, souvent rurales, se virent classées dans celles où l’on ne pourrait sortir d’enfermement à la date dite. On réviserait la chose au mieux deux semaines plus tard. En attendant, on ne desserrerait la corde que pour les seuls travailleurs. Pour les autres, ils ne retrouveraient pas marchés et messes, quant à leurs loisirs et visites, on réfléchissait encore.

 

La chose fut débitée d’un ton neutre avant que le médecin chef de la Cour ne rendit quelques nouvelles plutôt bonnes sur l’état de la maladie. Tout cela fit grande colère, surtout dans les contrées où l’on avait, par sordide économie, fermé hôpitaux et cabinets publics, jeté malades et parturientes sur les routes pour s’aller soigner au loin. On avait, sans succès, fait grandes manifestations et suppliques. Désormais on devait, par liberté refusée, supporter le poids des torts que l’on nous avait causé. Après le calamiteux manque de becs et masques, le défaut de moyens d’examen et le refus de soins aux malades avant qu’ils ne fussent au bord du grand péril, la coupe parut à tous plus que pleine.

 

Le même soir, un échotier patenté rendait compte de l’entretien qu’il avait eu avec le savant, ou mage selon l’opinion que l’on en avait, qui, de Marseille avait suscité espoir, mais aussi soigné avec quelques succès ses compatriotes. Il était fort décrié en Cour et Académie, mais l’une et l’autre n’ayant plus guère crédit auprès du peuple, on s’interrogeait.

Il parut moins arrogant ou fol que l’on avait voulu le décrire. Ses doutes, tout comme sa volonté à soulager ses semblables au mieux de son savoir et science et par respect d’Hippocrate, le firent paraître sous un meilleur jour.

 

Qu’il ait eu raison en tout ou en partie seulement, il apparut comme manifestement de bien meilleur conseil que les inconséquents et impuissants médecins ou savants de Cour. Il étudiait attentivement les lointains royaumes qui avaient connu en premier le Grand Mal. Il espérait que, dans nos royaumes, comme à l’extrémité du globe, le mal faiblirait et disparaîtrait. Il désespérait, en revanche, de ce que, dans nos riches pays, l’on n’ait pas su prendre le mal à sa racine et que, par crainte et faute d’avoir remède certain, on ait laissé mourir tant de bons sujets.

 

Trop de choses, désormais, faisait douter des sages, savants, mathématiciens et scribes qui conseillaient le Roi et présidaient aux offices. Le char de la Nation, qu’ils tiraient si mal, courrait à l’abîme.

 

A Pannessières :

 

Temps pluvieux (mais ce n’est pas plus mal) … et bien trop en rogne pour parler d’autre chose de ce qui nous arrive, ou arrivera bientôt … en fait, on n’a pas tout vu : côté loisirs et déplacements autres que pour le travail, « on » réfléchit … je crains le pire.

En pondant ma « chronique du royaume », ça m’oblige à faire autre chose que d’hurler des injures ou des menaces… mais ça manque.

 

Bon 1° mai quand même.

 

 


samedi 2 mai : le muguet triste ...


 

 

Le bon peuple avait passé un bien triste premier Mai. Le jour s’écoula comme tous les autres, entre ses propres murs, abreuvé aux lucarnes par les saynètes habituelles. On y montrait maints petits gestes destinés à rendre moins pénible ce temps d’enfermement ou faisant publicité d’initiatives permettant de pallier l’incurie de nos gouvernants ou la misère des hospitaliers par quelques travaux d’aiguille. A intervalles bien trop fréquents, on débitait, comme automate, à la façon des coucous de ces horloges suisses ou alémanique, les prescriptions de la Faculté.

 

 Ce jour était chômé et payé, et, de plus, pour cette année il coïncidait avec la fin de la semaine. Tous auraient pu profiter de trois jours entiers pour loisirs, voyages ou fêtes. On pensait aux heureux jours, à la période de l’insouciance, au muguet, petite fleur printanière et porte-bonheur, symbole de cette fête, que l’on se procurait.

 

Parmi le peuple, on se souvenait aussi des temps plus sombres. Cette fête était celle des travailleurs. On remémorait, à l’origine, les luttes ouvrières et un grand désastre que l’on avait commis au loin contre de pacifiques ouvriers. De nombreuses célébrations avaient suivies et on avait fini par accorder le congé de ce jour. L’usage s’en était étendu dans le Monde.

 

Avec les sombres perspectives du moment et le naufrage annoncé de maintes industries, il faudrait sans doute revenir aux revendicatifs défilés.

 

En France, par tradition, on offrait le muguet porte bonheur au Roi. La chose était portée anciennement par les portefaix des grands entrepôts. Cette année, il fut demandé aux maîtres artisans en horticulture et aux confréries de fleuristes de remplir cet office. Le Roi, dans son compliment de remerciement, espéra le retour de premier mai de fêtes, de célébrations joyeuses et turbulentes. Il fit louange du Travail mais comme pourvoyeur de richesses. On était bien loin de la signification primitive de cette date. Il reprenait, sinon par volonté, du moins par négligence ou erreur, l’antienne de ce vieux maréchal, honni de tous, qui, en accord de pensée avec l’envahisseur, prétendait rénover le royaume en s’appuyant sur la vertu et les efforts de travailleurs soumis à tout.

 

 

 

Encore une fois, le Roi trébuchait …L’on se demandait combien de fois encore il tomberait, la croix de ses erreurs sur le dos, dans sa montée au Golgotha. Et son premier conseiller n’avait décidément rien de Simon de Cyrène.

 

 

 

Chez nous :

 

Guère plus gai, mais on prend l’habitude des journées grises, seulement animées par quelques efforts d’écriture ou l’esprit titillé par la grogne née de l’imbécilité de nos gouvernants.

 

Ça laisse rêveur : on serait dans les 5 premiers en mortalité relative, alors que l’on est les plus tâtillons en matière de réglementation de confinement et certainement les plus centralisateurs en matière de recherche de solutions pratiques….  Les pires en tout, ou quasi ?

 

J’avais trouvé hier une carte des pays les plus affectés : on est, avec quelques voisins, en bleu marine dans un océan de blanc, bleu pastel ou ciel … ça fait tache. Champions en mortalité et en perte de PIB, on est mal.

 

Allez, pas moyen de se faire naturaliser dans l’autre Jura, faut faire avec … et je me remets une petite chanson de Renaud quand il était petit …

 

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=GPbVD-lA7Fw

 

 

 

A dimanche …

 


dimanche 3 mai : sinistre conseil ...


Le grand Conseil au complet se réunit et fit compte rendu.

 Pour une fois son héraut ne commis nulle bévue et tôt chargea le Grand Médecin et le Ministre des Polices d'en présenter les travaux.

 

Il s’agissait, pour se tenir fort et ferme devant le futur du grand Mal, de renforcer le pouvoir du conseil et, par décret, de pouvoir s’affranchir de quelques règles de liberté. Pareille disposition avait déjà été prise, mais sa fin était proche : il fallait en prolonger l’effet et y ajouter quelques clauses. La nouvelle échéance que l’on indiquait parut fort lointaine et en reportait l’issue au-delà des beaux jours espérés pour, sous d'autres cieux,se remettre de l’épreuve.

Le peu de liberté que l’on rétablirait à la date annoncée par le Roi serait conditionné au bon comportement des sujets et au respect de règles nouvelles. Certaines parurent évidentes et étaient déjà largement et spontanément appliquées, comme le port de bons masques gardant de contagion. D’autres parurent, comme à l’accoutumée, excessives : montant des contraintes et multiplication des gardes, sergents et auxiliaires aptes à les dresser.

Enfin, pour suivre au plus près les malades, on prévoyait de chercher, recenser et informer toute personne les ayant côtoyés afin que, par surveillance et quarantaine au besoin forcée, tous contribuent à arrêter la course du malin. Cela était bel, bon et fort propre, mais faisait craindre quelques abus d’autorité. Le sujet mobilisa aussitôt chroniqueurs, échotiers et philosophes.

 

Cependant beaucoup, dans le peuple, bien que n’ayant nulle confiance dans d'aussi piètres gouvernants, avaient souci de l’arrêt du Grand Mal, comme celui de retrouver rapidement liberté, emploi et ressources.

Quand à leur liberté, encore plus qu’inquiétude, ils perdaient espoir. Pour leurs voyages, loisirs ou visites à parents et amis, on réfléchissait encore, ce qui ne présageait rien de bon.

 

A n’en point douter, il s’agirait encore de limiter, sans vrai raison, distances et natures, d’interdire belles et désertes plages ou autres lieux et loisirs.

On brandissait déjà le bâton. Il s’agirait de filer droit : le Médecin royal menaçait de revenir, au besoin sur la date annoncée ou d’en restreindre l’effet aux seuls districts qu’il jugerait bon. Le Ministre des Polices, mettait le doigt, lui, sur le montant des astreintes ou gages et sur la multiplication des sbires autorisés à verbaliser.

Entre annonces et indiscrétions auprès des échotiers, on avait décrit et fixé notre futur au rebours de l’annonce royale.

 

On avait aussi donné au peuple suffisamment d’inutiles contraintes et petits sujets de colère pour qu’il en oublie ses griefs principaux, savoir le désastre qu’avait causé le grand mal dans notre royaume du fait de la déshérence des hôpitaux ou du dénuement des carabins et hospitaliers. Il fallait aussi faire oublier les menteries que l’on avait faites pour en cacher et éluder l’ampleur.

Le grand conseil craignait, le Roi se tenait coi, on enrageait de se voir cloué au pilori par d’impudentes gazettes. En dépit, on espérait qu’avec crainte du bâton, ennui chassé par de plaisantes anecdotes et flatteries, le peuple ne se retournerait pas contre ses maîtres.

 

 

Chez nous :

 

Le temps s’échappe, on oublie les dates et les jours, le ciel est gris, je me suis réveillé trop tôt et on est bientôt en panne de Comté. L’affaire est grave.

Côté vin, bonne nouvelle : mon viticulteur préféré de Saint Panthaléon les Vignes envisage de reprendre ses livraisons … j’ai passé commande de quelques caisses : vins lourds de ses vignes centenaires ou plus légers pour l’ordinaire de notre enfermement.

Je viens d’apprendre le décès, à Paris, d’un grand chanteur kabyle … Je n’ai guère séjourné dans son pays, et j’en sait peu de choses, mais je m’y étais senti étrangement bien et en harmonie.

Pour nos cousins des montagnes d’outre méditerranée, cette chanson … pour nous, chantée en français :

https://www.youtube.com/watch?v=QrQvvXN1Rx0

 

 A lundi…