GJ : et si c’était eux, les « gardiens du temple » ?

GJ : et si c’était eux, les « gardiens du temple » ?


Je suis d’une époque où mes maigres études juridiques étaient dirigées par des constitutionalistes qui, déjà, critiquaient celle de 1958. Ils voyaient, à raison, un exécutif disposant entre autres choses, d’un pouvoir réglementaire si étendu qu’il entamait un peu trop sur le législatif … On imagine bien ce que fut leur réaction lorsqu’il il fut acquis que le Président soit élu au suffrage universel (c’est à cette époque que je les ai fréquentés)     :   Elu par le peuple, il devenait l’expression de sa volonté et devenait  l’incarnation  de la politique qu’il lui avait soumis lors de son élection, donc, en fait, le chef réel de l’exécutif … Difficile, dans ces conditions, de garder le minimum d’objectivité et de tenir le rôle de « gardien des institutions » si le besoin s’en faisait sentir. Il ne restait plus qu’une anomalie : un possible désaccord, dans le temps, entre sa volonté politique et celle de la représentation nationale (cohabitation) … On se hâta de rectifier cette anomalie en calquant la durée de son mandat sur celle de l’Assemblée. Elus tout deux et en même temps par le peuple, quel rôle restait-il donc à la représentation nationale, face à un exécutif émanant de la même autorité ?

 

 Pouvoirs exécutifs et législatifs enfin confondus, pouvoir judiciaire réduit ou dirigé, absence d’un véritable et objectif « gardien des institutions », nous étions passé en un demi-siècle, d’une démocratie à tendance présidentielle à un régime de type « bonapartiste » (le numéro 3, en plus !!!)

 

 Le « coup de pied de l’âne » fut sans doute cette déclaration, stupide et attentatoire à nos libertés, de ce président qui présentait l’exercice de son action comme « jupitérienne » … La boucle était bouclée, nous n’avions plus de Constitution, au sens où l’entendait cet article de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Art. 16. Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. »

 

Ces errements ne doivent pas nous faire perdre de vue la valeur des principes généraux régissant nos institutions … Et, le « Conseil Constitutionnel », ses « anciens présidents », son juridisme strict, est-il un recours suffisant, et sinon, qui d’autres que les citoyens ??

 

Déjà, si, comme l’exprimait la déclaration de 89, si nous « n’avons point de constitution », il nous en faut une, si possible un minimum démocratique …. Et la revendication des GJ d’un RIC y compris « constituant » prend toute sa valeur (au contraire de certains politiques qui se satisferaient bien d’un pouvoir leur autorisant le maintien du statut actuel de « guide de la Nation / leader (ou führer en allemand) /chef suprême» )

 

On croît que j’exagère ?

 

 M’enfin (dirait Gaston) : On a vu un ministre de l’Intérieur décréter qu’un masque en carton, des lunettes ou un casque de vélo constituaient des « armes pas destination », preuve irréfutable d’une volonté d’attaquer, à force ouverte, de paisibles fonctionnaires de police… Et d’ordonner, en conséquence :

 

·         toute manœuvre destinée à empêcher les gens d’aller et de venir,

 

·         de les placer, par le biais d’auxiliaires de justice (officiers de police judiciaire), en garde à vue, de les retenir, maltraiter ou humilier.

 

·         De requérir le secours de nombreux procureurs pour traiter au plus vite cette prétendue délinquance

 

·         On a vu aussi une trop grande quantité de juges trop empressés à suivre des réquisitions ainsi téléguidées par le pouvoir,

 

·         trop peu de juristes ou d’avocats prêts à s’en émouvoir

 

·         pas assez de journalistes indépendants pour leur donner la parole.

 

C’était pourtant tout à la fois une atteinte grave aux libertés individuelles, un détournement manifeste de procédure et une soumission intolérable du judiciaire au pouvoir exécutif.

 

Quant au « traitement » des manifestations par les « forces de sécurité » (curieuse appellation) j’ai beaucoup vu ces images d’émeutes et de saccages … Mais là aussi, beaucoup de questions. Dans mon jeune âge, on cherchait plutôt à « sécuriser » une manif en surveillant les côtés (en fait, c’était ce qu’il y avait de plus intelligent pour empêcher les débordements, ces derniers se produisant par définition sur les côtés !!)…  Il est bien sûr stupide (sauf à chercher à accroître le désordre) de prendre les gens en tenaille en les condamnant à recevoir gazs lacrymogènes ou irritants et autres joyeusetés : le bon moyen, évidemment, d’ irriter le plus grand nombre et de multiplier le nombre de « casseurs ». Pour le reste, les images , en boucle, d’une porsche en flammes sur les Champs ne me font pas oublier que, chaque jour, ou au moins chaque semaine, une centaine de voitures flambent dans les banlieues, que les reveillons se soldent par des milliers de voitures incendiées, qu’il y a plus de 20 ans déjà, dans mon petit département, on y avait incendié un centre des Impôts… Alors, la violence ? serait-elle, sur les Champs, une affaire d’état, mais dans les banlieues, un simple fait divers ?

 

Je retiens surtout ces tirs tendus d’engins ou de grenades, à hauteur de visages, ces matraquages dignes des pires voyous sur des individus pris indistinctement (en fait, ceux qui courent le moins vite …) Qu’on ne s’y trompe pas, il y a eu, cela est bien documenté, des faits graves,  du fait des autorités (recours abusif à la force, provocation, utilisation de munitions pour lesquelles la France a été rappelée à l’ordre par les institutions internationales) et aussi de l’autre côté : mais, si l’on doit poursuivre les voyous et auteurs de saccages, on doit, avec la même sévérité, poursuivre les auteurs de violences  et le fait d’être représentant de l’ordre, investi par l’autorité, est une circonstance aggravante.

 

Cette violence d’état ne correspond désormais plus à une nécessité réelle, elle s’exerce sur des gens pacifiques, elle entend limiter leur simple droit d’aller et de venir, le droit d’exprimer leur opinion. De plus, on a introduit dans cet arsenal répressif pseudo juridique le délit de simple intention … Ainsi, toutes les bornes ont été franchies. Situation gravissime, donc, au regard de nos institutions …. Si nous sommes sortis de l’état de droit, que reste t-il à part une dictature déguisée en « république bananière »

 

J’ai tendance, comme disent les commentateurs sportifs, à revenir aux fondamentaux … et, en la matière au préambule de la constitution, proclamation solennelle de notre attachement aux principes posés par deux textes : déclaration des droits de l’homme de 1789 et préambule de la constitution de 1946  (en fait, ces grands principes ne sont pas seulement de nobles intentions, il existe une jurisprudence leur reconnaissant une valeur réelle en droit …)

 

Pour rappel, les textes sont les suivants :

 

Préambule de la Constitution de 1958

 

 

Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004.

 

En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d'Outre-Mer qui manifestent la volonté d'y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique.

 

 

Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789

 

 

Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.

 

En conséquence, l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen.

 

Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

 

Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.

 

Art. 3. Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

 

Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

 

Art. 5.  La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.  

 

Art. 6. La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. 

 

Art. 7. Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance. 

 

Art. 8. La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.  

 

Art. 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.  

 

Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi.

 

Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

 

Art. 12. La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

 

 Art. 13. Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

 

Art. 14. Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. 

 

Art. 15. La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.

 

Art. 16. Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.

 

Art. 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

 

 

Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946

 

 

1. Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

 

2. Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après :

 

3. La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme.

 

4. Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République.

 

5. Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.

 

6. Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.

 

7. Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.

 

8. Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises.

 

9. Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité.

 

10. La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

 

11. Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence.

 

12. La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales.

 

13. La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat.

 

14. La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international. Elle n'entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple.

 

15. Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix.

 

16. La France forme avec les peuples d'outre-mer une Union fondée sur l'égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion.

 

17. L'Union française est composée de nations et de peuples qui mettent en commun ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être et assurer leur sécurité.

 

18. Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l'arbitraire, elle garantit à tous l'égal accès aux fonctions publiques et l'exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés ci-dessus.

 

Charte de l'environnement de 2004

 

LOI constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement (JORF n°0051 du 2 mars 2005 page 3697)

 

Le peuple français,

 

Considérant :

 

Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l'émergence de l'humanité ;

 

Que l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel ;

 

Que l'environnement est le patrimoine commun des êtres humains ;

 

Que l'homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ;

 

Que la diversité biologique, l'épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l'exploitation excessive des ressources naturelles ;

 

Que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ;

 

Qu'afin d'assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins,

 

PROCLAME :

 

Article 1er. Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

 

Article 2. Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement.

 

Article 3. Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.

 

Article 4. Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi.

 

Article 5. Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.

 

Article 6. Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social.

 

Article 7. Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.

 

Article 8. L'éducation et la formation à l'environnement doivent contribuer à l'exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte.

 

Article 9. La recherche et l'innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l'environnement.

 

Article 10. La présente Charte inspire l'action européenne et internationale de la France.