Nos débuts en cyclotourisme

Drôle d’idée de raconter ses souvenirs lointains … mais, à vrai dire, se remémorer les pratiques anciennes, avec quelques 50 années de recul, est assez amusant. Parfois même, la comparaison avec les pratiques actuelles donne à réfléchir !!!

 

Que penser, en effet, d’un cyclisme « écolo-bobo » réservé à l’usage urbain, ou envisagé comme la simple extériorisation de la salle de sport… Et le voyage à vélo, quelle place lui reste t-il, hors des grands itinéraires cyclables  qu’on lui destine et qui seront peut-être, un jour, notre « réserve indienne »…

Bref, j’ai eu envie de faire et proposer cette comparaison …


Notre première expérience de voyage à vélo


Le tout début des années 1970 :

 

Je n’avais guère plus de 25 ans …et  j’avais déjà accumulé, outre mon arrivée dans la vie active, un mariage, 16 mois de service militaire, heureusement agrémentés par les manifs de 68 et un changement de spécialité professionnelle. Mon épouse, institutrice de son état bénéficiait d’un logement de fonction au confort  datant de l’époque de Jules Ferry… Nous habitions dans un village établi au cœur d’une forêt jurassienne et nos horizons en étaient limités. C’est dans cet environnement que nous avions accueilli, au cœur de l’hiver 1969, notre petite fille.

Etonnez vous que nous ayons eu envie, ou  besoin, de prendre quelques vacances et, dès que notre petite fût en âge de passer 2 semaines chez sa grand’mère, nous  en avions formé le projet.

 Etait-ce le besoin de « sortir de la routine », de délaisser notre véhicule ordinaire (une 403 Peugeot tout à fait respectable), ou autre, mais toujours est-il que l’idée me vint de recommencer à utiliser un vélo pour ce départ... Nous avions délaissé les nôtres au sortir de l’enfance, il nous fallut donc nous procurer de nouvelles montures et aussi de renouer le contact avec une pratique oubliée.

 L’époque n’était plus à ce genre de pratique,  les vélocistes étaient devenus rares : c’était d’anciens coureurs ou des professionnels du cyclomoteur n’entretenant les vélos qu’à titre accessoire.

 Quand au matériel, loin des grandes villes et du petit noyau de cyclotouristes restant, on ne trouvait pas grand-chose d’adapté au cyclotourisme.

 Le vélociste du bourg voisin me procura une machine de « demi-course », superbe par sa couleur rouge, et dotée d’un porte-bagage et de pneus de 650 « standard ». Après discussion et bien des recherches, il me dégotta aussi un « double plateau » (acier) de 52 et 45 dents, en m’assurant qu’avec un tel écart entre les dentures, je pourrais, sans peine, « monter un mur ». J’en acceptais l’augure.

 Le vélo de mon épouse fut encore plus difficile à équiper : partant d’un vélo « de fille » classique, doté de porte bagage, garde boue et éclairage, il fut modifié pour lui apporter le double plateau et les 4 pignons arrière qui semblaient nécessaires. Le double plateau, en acier, comme le mien, fut plus difficile à trouver. Mon épouse dût donc se contenter de 50 et 47 dents à l’avant et de 4 pignons arrière allant de 15 à 24 dents…

 

Dans le courant du mois de Juin, dotés de ces machines, nous commençâmes notre entrainement.  En fait, disposant de peu de temps, nous parcourions quotidiennement, en un peu plus d’une demi-heure, un trajet d’environ 10 kilomètres, sans véritable montée. Après cette reprise un peu limitée, je finis par décréter que les premiers jours de notre voyage serviraient d’entrainement pour la suite… et que la première côte que j’avais repérée sur notre route (la côte de FLEURIER, en Suisse, au cours de notre première étape) serait notre « pont aux ânes » et que, une fois franchie, nous pourrions envisager sans crainte la suite de notre voyage.

 Il fallut également préparer nos « vacances ». Le but, d’abord : tout naturellement nous choisîmes de retourner sur les lieux de notre voyage de noces. Un aller retour à VENISE, donc, en passant, à l’aller, par l Autriche et au retour  par le Piémont et les lacs italiens. Une fois les cartes annotées, il fallut passer au matériel. Pour les sacoches, nous nous contentâmes d’en récupérer deux paires dans nos greniers familiaux. Adeptes de la randonnée, nous disposions déjà du matériel de camping, pas très léger, mais après tout … La tente, canadienne en coton,  pesait son poids (6 kg environ) et, avec des effets réduits au minimum (une tenue chaude, une tenue d’été, une tenue de ville) nous fûmes bientôt lestés d’une bonne vingtaine de kilos sur nos roues arrières.

 Machines prêtes, il ne nous restait plus qu’à partir. Ce fut fait un beau matin d’été, un peu noué, autant par l’absence de notre bébé que par les aléas prévisibles de notre virée cycliste.

 

CHAMPAGNOLE fut atteint en une petite heure, sans difficultés. Plus laborieusement, PONTARLIER suivra, puis, côté Suisse, nous atteindrons FLEURIER et la côte « à 2 chevrons » (fort pourcentage, d’après les cartes MICHELIN)  que j’avais noté. Passé victorieusement ce court passage (2/3 kms – mais à plus de 10 %), nous finirons par atteindre, dans la première  journée, NEUCHATEL et son lac pour une  nuit en camping.

 Pour la suite, nous emprunterons beaucoup les routes principales suisses par BERNE et LUCERNE. En fait, les automobilistes locaux respectant nos lents véhicules, tout se passa pour le mieux, mis à part un temps exécrable. En route, nous croiserons l’unique voyageur cycliste de notre périple. Suisse, il nous explique que ces vallées sont « l’entonnoir de la Suisse », canalisant au dessus de nos têtes toutes les  perturbations de la vieille europe. Il nous explique aussi que, dans son pays, les cyclistes sont autorisés sur tous les trottoirs, facilitant ainsi la cohabitation entre cyclistes et voitures.

Le chemin se poursuit, au prix d’une longue montée, en direction du lac de Wallensee. La pluie a redoublée et nous croisons un groupe de cyclos-sportifs, qui, pour  protéger leurs mains de la pluie, ont finalement adopté les gants de cuisine en latex.

 Nous arrivons en fin d’après midi au camping, trempés jusqu’à l’os. Nous montions la tente quand deux enfants blonds, néerlandais, se sont approchés de nous, un bol de soupe fumante à la main. Leur parents nous saluent … Sympa … à vrai dire nous devions faire un peu pitié dans nos K-way ruisselants.

 

Le lendemain, direction le LICHTENSTEIN et VADUZ… zone urbaine pas très attrayante et nous irons, ce jour là jusqu’à FELDKIRCH pour une nuit « au chaud » dans un petit hôtel. Ce dernier, hélas, nous offrira des couettes trop légères et trop courtes. Dans ces pays, on ne met pas le chauffage en route en plein été, et, de plus, l’établissement  abritait, au sous sol, une discothèque dont les échos accompagneront une bonne partie de notre nuit.

La route qui nous attend ensuite prend la direction du col de l’Arlberg, un peu haut pour nos vélos, surtout au lendemain d’une nuit un peu fraîche et bruyante. Par ailleurs, Josette a ce jour là « un gros rhume ». Nous atteignons une gare au pied du col et c’est en train que nous passerons l’obstacle. De son côté, Josette arrive à faire comprendre à un pharmacien la nature de ses maux. Le remède s’avèrera particulièrement  efficace.

 Nous aurons, par la suite  un autre col à passer : le Reichen pass, col formant frontière entre l’Autriche et l’Italie. Le dénivelé d’environ 700 m  sera avalé dans la matinée. Nous achetons quelques souvenirs, destinés, bien sûr à notre petite dont l’absence nous pèse, à cette époque où l’usage du téléphone international relève du parcours du combattant.

 Dès le passage en Italie, le temps s’éclaircit, la chaleur revient et le rhume de Josette n’est plus qu’un souvenir. Le parcours devient descendant et le trajet, par MERANO et BOLZANO, TRENTE et le lac de Garde  sera parcouru à bonne vitesse.  Pour la fin du parcours, sur terrain plat, ce sera la chaleur et le soleil qui seront mon ennemi, ma peau rousse appréciant peu la chose.

 Nous arrivons à VENISE et nous rejoindrons, en ferry, le Lido et le camping « à la mer » qui nous avait accueilli il y avait quelques années

Le séjour sera court et limité aux lieux et monuments qui nous avaient séduits en 1966. Nous pourrons enfin téléphoner dans notre Jura et prendre des nouvelles de notre fille, au prix d’une attente de plus d’une heure dans un bureau de poste. IL y aura aussi la vérification  du matériel, l’entretien et le graissage de nos montures avant d’entamer le retour.

 

Pour ce dernier, nous suivons le Piémont, longeant les lacs de Garde, Iseo et Côme. Par Varèse, nous rejoignons ensuite le Lac Majeur puis Domodossola, où, comme à l’aller, nous empruntons le train pour passer le Simplon et rejoindre BRIG et la Suisse. Le mauvais temps est bien resté dans ce beau pays et, dans la « descente » de la vallée, en direction de MARTIGNY, nous aurons  à lutter contre un vent violent, qui nous obligera à utiliser notre plus petit développement et à fournir un effort digne de la montée d’un grand col. La suite sera plus facile, toujours le long du Rhône puis en longeant le Lac Léman jusqu’à NYON, au pied des Mont Jura et de l’avant dernière montée de notre périple. Nous attaquons la montée après un plantureux repas, pris dans un restaurant de type « routiers ». Le soleil a décidé de revenir, il est chaud, et un peu « piquant » à mon goût. La première moitié se passe bien, sauf une belle hyperthermie, qui me verra honorer largement la seule fontaine de la montée. Ma soif surprend un automobiliste, arrêté là pour rafraichir sa voiture, atteinte du même mal.

 L’orage nous rattrapera au col de la Givrine à quelques kilomètres de la frontière française. Il nous poursuivra jusqu’à la fin, redoublant à la moitié de la dernière montée, dans le col de la Savine. C’en était sans doute un peu trop, à quelques kilomètres du domicile de mes beaux-parents et du lieu de « villégiature » de notre petite. C’est finalement dans la voiture de mon beau père que nous arrivons au terme de notre virée.

 

Premier voyage à vélo … et début d’une longue « carrière » de cyclotourisme …mais sur des machines un peu plus élaborées