troisième semaine ... pas encore tiré d'affaire


31 mars : on ne change rien ...


 

Entre confinement, inactivité et changement d’heure, la grasse matinée est devenue habituelle. Il est déjà tard et j’ouvre seulement mon ordi. Petit tour sur les news … Rien de vraiment nouveau : la courbe de nos morts est à l’italienne, j’ai de la peine pour les news-yorkais et Jupiter est en visite (une fabrique de masques, je crois, pour notre carnavalesque président).

 

Côté chloroquine, le feuilleton continue, mais prend une autre tournure : moins de grands pontes, on fait appel aux petits. Surtout, on publie, à grand fracas, les risques encourus par les utilisateurs (de tête, il en faut quelques centaines de milligrammes, la dose létale est à deux grammes – avec une telle erreur de dosage, on doit pouvoir aussi se suicider au laxatif …). On insiste aussi sur la pénurie du produit, mais j’ai du mal à croire que les milliers de rhumatisants aient vidé tous les stocks, ou que quelques médecins de ville aient eu le temps, avant le décret le leur interdisant, d’en prescrire 300.000 doses. Le combat se poursuit aussi sur Twitter, dans les commentaires d’articles de presse. L’armée des « ombres » (en fait de simples trolls, je l’espère rémunérés pour débiter ces sottises) glorifie la position officielle. Tout est dans l’ordre des choses.

 

 

Je repense à quelques entrefilets. Le but est proche : on aura, dans quelques jours, les premiers résultats des essais thérapeutiques officiels : l’excellente molécule recyclée (laboratoires Gilhead, d’autres peut-être) fera l’affaire. Tant pis pour le prix, il faut être bon prince, on pourra commencer timidement à soigner. Après ? il suffira de quelques malades sauvés, d’une inversion des statistiques, de résultats meilleurs que nos voisins italiens ou espagnols et l’on pourra éviter la corde.

 

On a tenu quelques jours et l’on a gagné. Les labos US ont enfin été récompensé de leur munificence à l’égard de leurs conférenciers savants, de leurs fidèles prescripteurs et de leurs salariés et fidèles chercheurs.

 

 

 

Vous, ne cherchez pas, l’ordre revient, ils restent sur leur trône.

Rien de grave, en colère comme vous étiez, vous auriez encore été foutu, le pouvoir une fois conquis, de le confier à quelques tribuns ou hyènes. On a échappé au pire. 

 

 

 

Moi je reste sur mon rêve de monde parallèle … un peu niais, sans doute : il ne suffit pas que quelques potagers, les usines sont nécessaires et nous aurons toujours besoin de nos grands et puissants entrepreneurs.

 

 

Voire, nostalgie et flash-back : 1973. 

 

Dans ma région une grande entreprise de montres, mondialement connue, mais dirigée par des fils trop dispendieux, met la clé sur la porte. Tout est prêt : liquidateur joyeux à l’idée du montant de ses émoluments et, pour le seconder, les huissiers et gendarmes. Manque de bol, les ouvriers restent en place, ils travaillent, ils ont piqué le stock de montres et le vende à leur profit.  

 

Le mouvement est populaire, bien trop. En haut, on marche sur de œufs, une manifestation de soutien s’organise, on retient son souffle. En une semaine, depuis toute l’Europe, des manifestants convergent vers Besançon. On y envoie tout ce que l’on trouve de gendarmes, mais on les cache dans les casernes : il faut éviter la moindre étincelle.

 

Côté syndical, il faut s’organiser : militant je serai de « service d’ordre », pancarte à la main, ridiculement petite, mais fichée sur un solide manche de pelle. Il faut tenir, sans l’espace d’un seul homme, les côtés de l’immense cortège. Le nombre de manifestants ? incertain, improbable, des centaines de milliers. Je suis au milieu du cortège. L’avant est déjà (pour ceux qui connaissent Besançon) quartier Battant, la queue n’est pas encore partie, au-delà du CHU, pas loin de la zone commerciale de Château farine.

 

Nous avons passé le plus crucial : le quartier des casernes, où sont sans doute logés les CRS et où nos militants, pacifistes mais pas pacifiques auraient pu déborder. Début de la rue de Dole, sous mon K-way, j’ai l’air bête avec ma « pancarte » à la main : elle n’est que de format A4 et porte le slogan « une économie au service de tous ». Une fille sourit et me dit : « c’est bien ». Nous arriverons tous quartier Battant, sur le glacis des fortifications Vauban. Un hélicoptère survole, on le conspue.

 

Court discours et dispersion : on jette pancartes, manches de pelle et banderoles en pyramides. Nous n’avons vu ni le moindre képi, ni le moindre casque : aucune dégradation, aucune violence.

 

 

L’aventure continuera un temps pour les LIP, un temps seulement : elle fut bien trop unique, on ne vit pas éternellement sur une île et les militants étaient repartis au loin.

 

 

D’accord, je rêve encore, mais j’ai bien aimé, ce fut un grand moment… et puis, ça a quand même prouvé que, lorsqu’on est très nombreux, on peut faire reculer la force et le droit s’ils s’écartent, eux, de notre droit chemin … Il suffit simplement de dire à ces mauvais dirigeants que, chez nous, ils ne sont pas chez eux, et aussi, que, s’ils ne montrent pas assez d’humanité, nous ferons avec eux comme avec nos chers animaux de compagnie : nous leur montrons l’endroit où ils pourront déféquer sans déranger personne. 

 

 

 

Bon, je m’égare, mais ça soulage. 

 

Il fait toujours un froid de chien, la bise est juste un peu tombée. Josette (j’ai du mal à travailler en extension) a pu pulvériser le produit (Bacillus Thuringiensis) pour préserver notre grand buis des attaques de la Pyrale.

 

 

 

Bientôt l’heure du repas, 

 

A demain,

 

 


mercredi 1° : poisson d'avril


La pêche du jour :

Le Tour de France 2020 se déroulera en Corée du Sud, la Chloroquine est très dangereuse alors que les autres molécules testées pas du tout et enfin, ma préférée :  les gens qui critiquent le président sont des irresponsables

 

Concernant la deuxième, je me lasse… un trublion médiatique avait tenté d’organiser un débat avec l’estimé Raoult … je n’ai pas tenu très longtemps … les pseudo-débats sont très chiants, je ne suis pas toubib et je vois les choses tout simplement, avec mon petit QI à moi…

 

 

Esprit simple, presque cartésien (les cartésiens sont des cons) je me demande simplement comment on peut reprocher à un toubib d’exercer son « art », de traiter un de ses malades avec des molécules connues et utilisées depuis des années, en toute responsabilité, en fonction de ses connaissances et observations …

Réduit à cette simple question, ce n’est plus ni la chloroquine ni le marseillais qui sont en débat …  

 

 

Dans quel monde vit-on ? : en tout cas, et depuis quelques années, je me trouve trop vieux pour celui-ci : non seulement on prétend régler tous mes faits et gestes, mais en plus on bafoue des choses à moi sacrées : le devoir des marins de porter secours, le devoir d’aider son prochain en péril, le droit de dire ou de manifester…

 

Bref, je me sens comme un con, dans la caverne (celle de Platon), enchaîné, et regardant les ombres projetées sur la paroi … En plus, depuis l’invention du cinématographe, on est gâté côté spectacle… Mais j’aspire, malgré des compétences réduites, à sortir enfin de la grotte (mon passé de spéléologue sans doute …)

 

Plus prosaïquement, dans mon pays …

Vous ai-je dit ? j’avais commencé des études des droit, dans les années 60. J’avais la ferme intention de ne pas y séjourner : je caressais d’autres projets. Mais mon père avait trouvé malin de m’y pousser et il me fallait rentrer dans la carrière, mes aïeuls voulant en sortir. Et puis, il me fallait éviter de faire mon Tanguy avant que le film ne soit tourné ou même écrit.

 

Je n’y restais que le temps de connaître quelques personnages illustres : mon prof de civil, ex- avocat réputé qui avait laissé choir son étude, fatigué de plaider pour des familles déchirées. J’ai aussi croisé Léo Hamon en sociologie : personnage hors du commun, résistant, compagnon de la libération, député, chargé de mission … « gaulliste de gauche », disait-on, mais en fait, plutôt au-dessus … Ses cours étaient rares et l’après-midi : je n’en ai manqué aucun. Le dernier que j’ai suivi était mon prof de droit constitutionnel. Il faisait cours en tenue de ville, plutôt sport (d’autres officiaient encore en toge...) et étudiait d’un œil sévère la constitution de la V°.

Il n’était pas le seul, la plupart des « constitutionnalistes », qui avaient jugé sévèrement l’arrivée au pouvoir un peu cavalière du Général, s’étaient émus d’institutions qui favorisaient à l’excès le pouvoir exécutif. Le pauvre que dirait-il maintenant (sans doute déjà sous terre, il se retournerait dans sa tombe) alors que l’on élit, en même temps législateur et chef de l’exécutif, que ce dernier se prétend, de plus, gardien des institutions et que le pouvoir judiciaire lui-même, ses magistrats changeant de robe et alternant indépendance de jugement et défense du pouvoir, n’est plus guère crédible … Ainsi donc, il nous reste un quasi-clonage entre législatif et exécutif, un judiciaire manquant d’indépendance et, au-dessus, un président tenant le tout. Ça n’est guère compatible avec nos grands principes (Droits de l’homme – déclaration 1789 : « Art. 16. Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. »)

 

Et on s’étonne, dans ces conditions, que l’actuel chef se soit qualifié de « jupitérien ». Notez bien, dans son cas, s’il est vraiment un Dieu, il serait plutôt Mercure, mais bon …

 

D’accord, ces jours, je devrais avoir d’autres soucis …en plus, comme il disait : « pourquoi voulez-vous qu’à 77 ans, je commence une carrière de dictateur… » Dans mon cas, c’est 76 ans et révolutionnaire … Lâchons donc l’affaire et passons à table (c’est l’heure) …

 

A vous de jouer, les gamins … mais ce n’est pas en dansant et en nous traitant avec mépris de « Boomer » que nous sortirons de l’ornière… Je retourne à mes tisanes

 

A +

 

Nb : « on va tout faire, tout bien réorganiser, l’hôpital et ses approvisionnements, pour que plus jamais cela ne se reproduise » … Poisson d’avril

 

 


2 avril : comediante ....


Rapide tour d’horizon :

 

infos écrites : on chasse les fake- news. En fait, initiées par des médias officiels, ou par des groupes de presse bienpensants, ces officines vérifient tout ce qui, vrai, faux ou simplement approximatif, peut nuire à la communication officielle. L’essentiel est souvent dans le titre : « est-il vrai que … » barré du bandeau Fake News …. Peu lisent la suite et, même si la chose est en partie vraie, elle déjà écartée.

 

Côté TV, c’est pire … les chaînes ont mis en place le dispositif hérité des anciennes guerres moyen-orientales : émission spéciale en continu, un seul sujet, avec experts et chroniqueurs. Hier, ce fut le black- aout militaire et les images de propagande. On ne savait rien, mais on se précipitait sur le moindre gradé pour commenter ce que l’on ne pouvait qu’ignorer. C’était un vrai défilé ... pour peu, ils seraient venus en tenue n° 1 et médailles pendantes. Aujourd’hui, juste avec le problème de la chloroquine, on peut faire les 24 heures d’antenne. Il ne s’agit, en fait, que d’un infâme brouillamini : je décroche.

 

De toutes façons, la pièce est déjà écrite. Les études sont en cours, on a écarté la méthode Raoult en ne soignant que les sub-claquants. La bonne molécule sera un anti-viral assez récent, certes recyclé, mais encore très rentable. Le temps de conclure, de publier et de solliciter des labos une mise en fabrication rapide, le pic épidémique sera loin et il ne s’agira plus que de se prémunir contre un retour de l’infection. La science aura triomphé, le rideau se baissera, mais beaucoup ne pourront plus venir saluer … dont une bonne partie des 1200 soignants infectés à ce jour, faute d’équipements. 

 

Je repense au vieux ILLICH (Yvan) qui trouvait que le progrès, le développement allaient, dans bien des domaines, à l’encontre du but recherché… Dans le nôtre, l’actuel : de grands hôpitaux, de splendides équipements, un merveilleux matériel d’investigation, des laboratoires, et, au bout du compte, une technique qui ne remplacera jamais l’acte de base, l’acte de soins. Vouloir soigner, j’ai toujours cru que c’était ça, la médecine …J’ai toujours cru que Pasteur avait eu raison d’essayer, sur le petit Joseph, un traitement dont il n’était pas sûr, simplement parce qu’il fallait bien le soigner, faire quelque chose alors que sa fin était écrite.

Dieu merci, nous en sommes loin (enfin, pas tout à fait), mais quand même, ne pas donner à un malade, après examen, un produit dont on sait qu’il ne lui sera pas nocif pour tenter de le soigner, parce que l’on a observé, de façon certes un peu empirique, qu’il pouvait être utile, cela est monstrueux … en tout cas, ça n’a rien à voir avec ce que l’on attend de nos chers soignants.  

 

J’ai fini d’ennuyer avec mes états d’âme : hier, mon facteur m’a déposé Charlie Hebdo et j’ai reçu le matériel pour faire ma bière : une très belle journée. 

 

J’ai tout de suite commencé à brasser. Il était temps, j’ai bien cru tomber en panne. Ma bière n’a rien de la rigueur allemande (seulement malt, houblon et eau). Plutôt belge, elle est enrichie et aux extraits de malt, je mélange ma soupe personnelle : grains de genièvre, une étoile de badiane, quelques gouttes d’essence de citron, parfois un peu de miel.

La cuve à fermenter était prête en fin d’après- midi, ce matin, ça glougloute, la fermentation est partie. Dans 5 ou 6 jours, je mettrais en bouteille, un peu de sucre pour les bulles et il faudra encore attendre une semaine. Après, la bière reposera et il lui faudra encore une semaine ou deux.

Elle ne sera prête que pour le « jour d’après » … Enfin déconfiné, je la gouterai avec un ami d’il y a longtemps auquel je m’étais promis, juste avant, de rendre visite.

 

Je passe à Charlie hebdo : j’aime ces mecs … pas toujours bon, pas toujours d’accord, mais je ris avec ces truculents amis. Rire, parfois d’un dessin de mauvais goût, mais rire …. Indispensable … tout comme leurs analyses parfois si humaines, si profondes qu’elles foutraient la honte à tous les beaux diseurs, penseurs officiels, ces foutriquets que l’on voudrait nous imposer comme modèles 

 

Il est temps d’y aller – A + 

 

 


3 avril : je vous ai (enfin) compris ...suis-je bête ...


J’écoutais pourtant d’une oreille distraite.

 

On parlait de déconfinement : il serait tardif, par groupes ou régions, étalé dans le temps et non sans avoir testé auparavant les populations.

Je compris enfin : la stratégie était bien, comme celle du trublion anglais, d’attendre patiemment cette « immunité collective » qui nous protègerait définitivement du mal. Nous garderons nos précieux tests pour l’après, essayant seulement de soulager les plus atteints plutôt que de les soigner tôt et tenter ainsi de juguler la bête.

La pantomime de la semaine n’était pas qu’un simple conflit entre carabins, mais une stratégie bien réfléchie entre combattre ou laisser faire. Il n’empêche, mes conceptions républicaines surannées étaient un peu contrariées : qu’une décision de telle importance ait été prise, en catimini et seulement entre experts et ministres a un parfum d’ancien régime.

 

 Il faudra donc reprendre les habitudes anciennes d’un journal satirique paraissant le Mercredi et écrire plutôt une chronique de la Cour.

 

Je m’y risque : Essayons un court résumé de cette affaire :

   

En l’an de grâce 2020, un mal nouveau, œuvre du Malin, s’abattit sur le monde.

Il se découvrit au pays du Grand Mongol. Ce monstre, athée et blasphémateur entre tous, mais fort puissant, l’avait tout d’abord caché. Tout au plus, concédait-il une petite fièvre bizarre, aux hommes donnée par la fréquentation ou consommation d’animaux monstrueux.

On s’aperçut cependant de la supercherie et le Mogol, pour couper court, fit embastiller sur place toute une province. La peur s’empara de la Terre, essentiellement, d’ailleurs, à cause des épices qui ne nous parvenaient plus de ce lointain pays.

Les choses allaient ainsi quand la sainte Italie fut elle-même touchée. On s’empressa d’enfermer les gens chez eux, ne leur laissant que la liberté de quérir les quelques pâtes utiles à leur survie.

Plus grave, on leur interdit les offices, la Sainte Messe et le Pontife lui- même dut se cacher. Le diable en profita, la fièvre, peste nouvelle, frappa durement les contrées du nord puis se porta dans le pays tout entier.

Ils n’en mouraient pas tous, certes, mais beaucoup furent emportés dans de sinistres charrettes. La peur s’installa, en même temps que le fléau progressait.

Le pays suivant à être atteint fut la très catholique Espagne.

Dans notre royaume, des mécréants, assemblés autour d’un pasteur ayant rejeté notre Sainte Eglise, en répandit le mal, prouvant ainsi au peuple que le fléau était bien de nature diabolique.

On se mis à trembler. Le Roi se montra aux lucarnes, tint un discours martial et dit à chacun de rester chez lui, pourvu que le commerce n’en soit pas trop affecté et que le Trésor Royal n’en pâtit pas trop.

On fit ainsi, et pour marquer la détermination royale, on dépêcha maints dragons dans les provinces afin que le menu peuple se sente fermement tenu par le licol. La chose avait son utilité, et, curieusement, les gens ainsi emprisonnés se croyaient à l’abri du fléau.

Las, le mal poursuivait son œuvre et les charrettes mortuaires, nombreuses étaient à la vue de tous. On tenta bien d’en cacher quelques-unes, mais le mal était fait et le Grand Conseil perplexe.

Les carabins n’avaient plus ni becs ni gants, et le grand hôpital, œuvre d’un lointain aïeul de sa majesté n’était plus celui des « quinze-vingts » mais tout au plus celui des « quatre et quatre sont huit », il fallait agir et rassurer le Roi.

On lui représenta que le fléau s’éloignerait de nos côtes, le diable lui-même ne pouvant grignoter tout le monde. Certes, on perdrait beaucoup de sujets, mais les plus résistants, les fidèles et les pieux, n’en seraient que plus forts, armés à tout jamais contre la grande maladie.

D’ailleurs, il serait facile de cacher aux yeux du peuple l’ampleur du désastre ou la nature exacte des maux ayant arraché les plus anciens à l’affection des leurs.

Il restait toutefois un problème : quand on libèrerait tous les sujets, n’éclateraient-ils pas, déjà en de joyeuses fêtes, puis, intrigués par quelques pieux mensonges, à eux distillés pour tromper leur ennui, ne se retourneraient ils pas contre le Grand Conseil, ou qui sait, contre le Roi lui-même ?

L’exercice fut difficile. On imaginât alors de ne libérer nos sujets que précautionneusement, poignée par poignée, en s’assurant de leur guérison. Plus de grandes fêtes dans le royaume et plus de jacqueries … Quelques pistoles distribuées judicieusement et avec parcimonie, le peuple serait satisfait et le royaume à nouveau calme et prospère.

Le Roi fut convaincu.

Rasséréné, le soir, il reprit deux fois de la crème et honora la Reine.

 

A demain,

 


4 avril : "de Versailles ..."


"Au lever, le Roi avait l’air sombre et soucieux. Le Grand Conseil trembla.

 

Au dehors de nos frontières, au Levant comme au Ponant, de tout petits pays se portaient mieux que nous. On y avait seulement examiné tous les sujets avec attention, délivré quelques banales médecines, donné d’avisés conseils et avec cela, agonisants et cadavres n’encombraient nullement les hospices.

De même, ultime injure, notre puissant voisin, ennemi d’hier et concurrent de toujours, avait l’outrecuidance de nous accorder l’aide de ses hôpitaux et carabins afin de suppléer aux nôtres.

La chose commençait à se faire jour et il fallait donner au peuple la certitude d’une action ferme et déterminée en faveur de son salut.

 

On rappela qu’en ces temps de grande peste chacun devait rester chez soi, éviter, plus que tout, les miasmes des voisins, et s’y claquemurer, attendant le passage de la terrible bête, priant et repentant.

Voyages et déplacements étaient déjà interdits. On tendit le licol, on raccourcit la longe : le peuple devait savoir que l’on veillait.

 

Las, Prévôts et constables étaient de piètres alliés dans le grand spectacle que l’on voulait lui donner.

On les vit se déplacer en grande troupe, leurs chefs en tête, mais bien trop rapprochés les uns des autres pour éviter la contamination. De plus, on les laissait le visage libre, bouche ouverte, échangeant avec tous les miasmes de la maladie. Cela manquait d’adresse : la faculté, justement, venant de préconiser l’usage constant d’un petit carré de tissu couvrant la bouche afin d’y tenir là ses propres germes.

De grandes maladresses furent commises, affaiblissant la portée des édits du Grand Conseil.

 

On vit le connétable de Paris, le heaume arrogant, débiter quelques sottises, bouche ouverte et à la face du monde. Il dût faire pénitence.

Dans une contrée de l’Est, toute couverte de forêts, on vit le Grand Intendant en interdire l’accès, alors qu’il n’y avait là que loups et fauves et qu’il s’agissait ainsi du seul endroit où l’on ne risquait pas de croiser l’horrible fléau.

 

Il fallait trouver d’autres conseils, édicter d’autres édits : le petit masque peut-être, mais surtout il fallait espérer en la découverte d’autres médecines, plus radicales, les seules à même de ramener promptement la paix dans le royaume.

 

Aux hôpitaux, les carabins et leurs aides n’en pouvaient mais, ils tombaient, pire qu’à Crécy nos nobles chevaliers. Les sujets pleuraient, maudissant le grand mal, le sort et souvent le Roi et ses Ministres : la situation était grave.

 

Derrière le Roi, le Grand Conseil mis genou à terre et pria."

 

Il fait beau et chaud, le soleil brille… il n’a pas plu depuis longtemps : j’imagine que les morilles ne sont pas encore sorties, faute d’humidité.

Pour nous, tout va bien mais on s’emmerde (sauf quand j'écris ce mot, ça aide...), et puis, on a beau positiver, il y a quand même pas mal de trucs qui font râler. Politiques, sommités et chroniqueurs s’affrontent sans cesse, mêmes arguments ou raisons, tels des lapins mécaniques. En face, de belles espérances, de belles solidarités, ça console.

 

Portez-vous, portons-nous bien et profitons de ce beau temps autant que nous pouvons ou que l’on nous y autorise –

A +


Dimanche des Rameaux : "le Haut Mal" ...


A la Cour : chronique

 

En ce troisième dimanche sans grand- messe à la cathédrale, alors que l’on aurait dû y célébrer l’arrivée triomphale de Christ dans la ville sainte et surtout y faire bénir Rameaux et buis, les ministres firent examen de conscience et acte de contrition.

 

On avait cloîtré les sujets, avec beaucoup de fermeté pour le vulgaire, mais en exemptant forgerons et bâtisseurs. Aux yeux des âmes simples, cela était contraire à la logique de Monsieur Descartes. On leur avait aussi interdit le réflexe salvateur d’aller se terrer à l’abri de Mère Nature, loin des lieux de pestilence. Pire, pour les quelques courses rendues nécessaires par la faim les tenaillant, on chipotait sur l’importance des paniers. Tant de fermeté irritait le bon peuple, qui ne comprenait pas, d’ailleurs, que l’on ait négligé de lui dire qu’il fallait surtout éviter, par de petits masques à défaut de becs, de se jeter à la figure, les uns les autres, miasmes et germes. Certes, on avait manqué de pareils objets, fabriqués au loin sous licence royale, mais il existait quelques substituts. On y avait manqué et le peuple s’en aperçu.

On lui avait aussi maladroitement caché le nombre de tristes vieillards ayant trépassé du grand mal dans de sinistres maisons.

Les plus éminents docteurs de la faculté, en se querellant sur la nature du mal et les onguents utiles, apportaient plus de doutes que d’espoirs. Les bourgeois, qui avaient échangé or et bel argent contre les billets de Monsieur Law et la promesse d’Eldorados, étaient rendus anxieux par les trop rares discours du Grand Argentier. Quant aux serfs, ils savaient bien que la ruine de leurs maîtres leur ôterait les quelques miettes nourrissant leur famille. Beaucoup de craintes, beaucoup de colères.

 

Chacun des conseillers avait bien parlé au peuple, mais en se contredisant d’un jour sur l’autre. Le Grand Conseil s’agitait en tous sens, jetant des discours incompris. Cette danse démente autour de sa Majesté muette rappela à bien des sujets, les effets tragiques du Mal des Ardents.

 

Et le bon peuple engagea cette semaine sainte en priant que Barons, Ministres et jusqu’au Roi lui-même ne fussent pas frappés du haut mal.

 

 

Autrement :

Il fait toujours beau, même pas mal et la vie est belle. Petit trajet jusqu’à Granges sur Beaume pour y faire provision de Morbier, Comté et charcuteries jurassiennes. Trajet sans encombre : les gendarmes devaient être aux casernes ou à chasser le Parisien sur autoroute.

 

Juste un dernier mot au cuistre qui s’émeut que l’on ait autorisé l’usage d’un sédatif puissant pour les agonisants… Que celui qui n’a jamais tenu la main d’un être aimé se noyant dans ses propres secrétions, sans rien pour en adoucir la douleur, sans médecine, entre la morgue d’un interne mal thésé et les pleurs d’une infirmière impuissante… est prié de fermer sa gueule, d’aller manifester avec les ultras ou de pétitionner, mais tout seul – Merci.

 


lundi 6 avril : on pense à l'après ...


La chronique du royaume :

 

En ce début de semaine sainte on ramassa moins de morts que la veille : un très faible espoir se fit jour, bien que la guérison du royaume fût encore bien loin.

Le temps était printanier : dans les grandes villes où s’entassaient maints sujets, on mit le nez dehors et des tableaux montrèrent, par effet d’optique, des cohortes de promeneurs, inopportunes en ces temps de peste et faisant craindre un retour de la contagion.

 

On montra le chef de la Police aux lucarnes, qui exhibât son grand bâton.

 

Pendant ce temps le grand argentier se grattait la tête. Le trésor Royal n’était que de vent, l’impôt ne rentrerait pas et de grandes dépenses seraient nécessaires.

 

L’hôpital avait montré de grandes faiblesses : il faudrait en restaurer l’éclat et la grandeur par tout moyens.

 

L’affaire était complexe. Les princes ne battaient plus monnaie et l’on avait depuis longtemps laissé l’affaire à de puissants financiers, à l’instar de ce lointain, glorieux et dispendieux monarque dont la cassette ne contenait d’or que celui de banquiers lombards.

Pour les soins de l’Industrie et du Commerce, on avait constitué, avec des royaumes voisins une sorte de Guilde, prenant exemple sur les antiques et puissantes villes de la Hanse. Les capacités de notre argentier étaient ainsi fort réduites.

Faute de moyens on fit venir des penseurs patentés. Ils imaginèrent une sorte d’œuvre mixte, faisant appel, non seulement au trésor royal, mais aussi aux ressources d’industrieux bourgeois ou grands banquiers.

Il s’agirait d’une sorte de « prêt à la grosse aventure » comme on en faisait il y a bien longtemps, et, pour celui-ci, les pertes iraient à l’impôt et les gains aux bourgeois.

Cependant, pour les sujets et la peur aidant, il ne s’agissait que d’être soigné et prémuni du fléau des grandes maladies : leur approbation était acquise.

 

On dormit mieux, le grand conseil, Médecin du Roi en tête, repris le cours de ses occupations.

 

 

Retour sur la journée d’hier : des courses alimentaires un peu loin de chez nous, à la recherche de fromages de qualité : on aurait pu nous chercher querelle (135 €, donc). En fin de matinée, Josette fit une courte promenade, mais sur le chemin de la Mouille, balisée en sentier pédestre : selon le Préfet, infraction (récidive, donc 200 €). L’après-midi, il me fallait sortir : une courte balade en vélo, de moins d’une heure, certes, mais franchissant parfois la limite kilométrique (je crains le pire : 3 infractions la même journée : correctionnelle, amende jusqu’à 3.750 € et mention dans les journaux locaux)

Nous n’avions, prudemment, côtoyés personne, mis un masque pour ne pas risquer d’infecter notre vendeur.

Rien ne justifie une pareille réglementation, une pareille négation de la responsabilité de chacun : « être homme, c’est être responsable »… en 1°, je trouvais stupide que l’on nous fasse commenter ce que je croyais être une lapalissade … Si, maintenant, on est tenu et traité comme étant par nature irresponsable, c’est que nous n’en sommes plus… pas étonnant qu’on choppe des virus animaux …

 

A plus, portez vous (et portez en un, de masque ... Merci ...).