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Journal d'un confiné finissant


Hier, ou étais-ce avant-hier, j’ai vu dans mon "étrange lucarne" un homme au visage poupin qui, d’un ton patelin, me récitait quelque chose dont les mots pouvaient faire penser à l’appel du 18 juin …. J’ai failli prendre la chose au sérieux et manifester quelque énervement. Mais j’ai enfin compris : ce n’était que de la pataphysique, le surréalisme avait triomphé et l’esprit du sublime Dali gouvernait le monde. J'ai retrouvé mon âme d'adolescent : j’ai dormi comme un bébé.

 

Le lendemain, c’est un mal rasé qui m’est apparu : pataphysique ou pas, j’étais confiné… mais qu’es-ce ?

Si j’ai bien entendu, désormais,  je n’avais plus que le droit  de faire, parcimonieusement, quelques courses vitales pour ne pas mourir d’inanition, de me dégourdir les jambes autour de ma maison, et, éventuellement, d’adopter un animal de compagnie pour avoir la possibilité de l’emmener déféquer dans un caniveau assez proche.

Il me suffisait, pour cela, d’imprimer ou de recopier, à chaque pas fait hors de mon logis, un formulaire où je certifiais sur l’honneur que je marchais pour faire ce que de droit. Bons princes, mes maîtres ne me sanctionneraient, le premier jour, que d’une amende ne dépassant pas le salaire minimum quotidien.

J’en pris bonne note, espérant, en cela, aider nos vaillants médecins et soignants dans leur épuisant combat pour palier à quelques décennies de décisions et d’économies irresponsables et, plus récemment, à quelques décisions limitées ou tardives.

 

Mais les choses étaient plus complexes.

Le même négligé limitait cet enfermement aux seuls « inactifs » ou « travailleurs intellectuels » et, soutenu par son intendant aux finances, enjoignait aux travailleurs ayant encore besoin de leurs mains, d’assurer la richesse et la puissance économique de la nation en continuant à s’entasser dans les métros restants, à se réunir en masse dans les usines, en leur conseillant seulement de ne pas postillonner à la figure de leurs contremaîtres ou semblables ...

Les pataphysiciens allaient décidément trop loin.

 .....

Ce matin mes camarades cyclistes se demandent s’ils ont le droit d’aller très loin, ou si, en risquant une chute nécessitant leur prise en charge médicale, ils ne sont pas de très mauvais citoyens en encombrant ainsi les rares lits nécessaires à la lutte conte cette nouvelle peste… leurs scrupules les honorent …

Mais, pauvres de nous, abreuvés de messages alimentant nos peurs et culpabilisant la moindre de nos sorties au grand air, nous sommes bien seuls face à une épidémie qui échappe à nos maîtres.

 

La pataphysique a ses limites, elle était fort plaisante, mais ici le surréalisme se rajoute au drame  et Père UBU prend corps.

 

Je commence ce journal d’un confiné finissant …

Après cela j’irai, pour mon épouse, imprimer le sauf-conduit utile au petit footing nécessaire à son équilibre mental et j’y joindrai les 135 € prévu au cas où elle dépasserait la « proximité » réglementaire.