31/03

31 mars : rien ne change ...


Entre confinement, inactivité et changement d’heure, la grasse matinée est devenue habituelle. Il est déjà tard et j’ouvre seulement mon ordi. Petit tour sur les news … Rien de vraiment nouveau : la courbe de nos morts est à l’italienne, j’ai de la peine pour les news-yorkais et Jupiter est en visite (une fabrique de masques, je crois, pour notre carnavalesque président).

Côté chloroquine, le feuilleton continue, mais prend une autre tournure : moins de grands pontes, on fait appel aux petits. Surtout, on publie, à grand fracas, les risques encourus par les utilisateurs (de tête, il en faut quelques centaines de milligrammes, la dose létale est à deux grammes – avec une telle erreur de dosage, on doit pouvoir aussi se suicider au laxatif …). On insiste aussi sur la pénurie du produit, mais j’ai du mal à croire que les milliers de rhumatisants aient vidé tous les stocks, ou que quelques médecins de ville aient eu le temps, avant le décret le leur interdisant, d’en prescrire 300.000 doses. Le combat se poursuit aussi sur Twitter, dans les commentaires d’articles de presse. L’armée des « ombres » (en fait de simples trolls, je l’espère rémunérés pour débiter ces sottises) glorifie la position officielle. Tout est dans l’ordre des choses.

Je repense à quelques entrefilets. Le but est proche : on aura, dans quelques jours, les premiers résultats des essais thérapeutiques officiels : l’excellente molécule recyclée (laboratoires Gilhead, d’autres peut-être) fera l’affaire. Tant pis pour le prix, il faut être bon prince, on pourra commencer timidement à soigner. Après ? il suffira de quelques malades sauvés, d’une inversion des statistiques, de résultats meilleurs que nos voisins italiens ou espagnols et l’on pourra éviter la corde.

On a tenu quelques jours et l’on a gagné. Les labos US ont enfin été récompensé de leur munificence à l’égard de leurs conférenciers savants, de leurs fidèles prescripteurs et de leurs salariés et fidèles chercheurs.

 

 Vous, ne cherchez pas, l’ordre revient, ils restent sur leur trône.

Rien de grave, en colère comme vous étiez, vous auriez encore été foutu, le pouvoir une fois conquis, de le confier à quelques tribuns ou hyènes. On a échappé au pire.

 

Moi je reste sur mon rêve de monde parallèle … un peu niais, sans doute : il ne suffit pas que quelques potagers, les usines sont nécessaires et nous aurons toujours besoin de nos grands et puissants entrepreneurs.

 

Voire, nostalgie et flash-back : 1973.

Dans ma région une grande entreprise de montres, mondialement connue, mais dirigée par des fils trop dispendieux, met la clé sur la porte. Tout est prêt : liquidateur joyeux à l’idée du montant de ses émoluments et, pour le seconder, les huissiers et gendarmes. Manque de bol, les ouvriers restent en place, ils travaillent, ils ont piqué le stock de montres et le vende à leur profit.  

Le mouvement est populaire, bien trop. En haut, on marche sur de œufs, une manifestation de soutien s’organise, on retient son souffle. En une semaine, depuis toute l’Europe, des manifestants convergent vers Besançon. On y envoie tout ce que l’on trouve de gendarmes, mais on les cache dans les casernes : il faut éviter la moindre étincelle.

Côté syndical, il faut s’organiser : militant je serai de « service d’ordre », pancarte à la main, ridiculement petite, mais fichée sur un solide manche de pelle. Il faut tenir, sans l’espace d’un seul homme, les côtés de l’immense cortège. Le nombre de manifestants ? incertain, improbable, des centaines de milliers. Je suis au milieu du cortège. L’avant est déjà (pour ceux qui connaissent Besançon) quartier Battant, la queue n’est pas encore partie, au-delà du CHU, pas loin de la zone commerciale de Château farine.

Nous avons passé le plus crucial : le quartier des casernes, où sont sans doute logés les CRS et où nos militants, pacifistes mais pas pacifiques auraient pu déborder. Début de la rue de Dole, sous mon K-way, j’ai l’air bête avec ma « pancarte » à la main : elle n’est que de format A4 et porte le slogan « une économie au service de tous ». Une fille sourit et me dit : « c’est bien ». Nous arriverons tous quartier Battant, sur le glacis des fortifications Vauban. Un hélicoptère survole, on le conspue.

Court discours et dispersion : on jette pancartes, manches de pelle et banderoles en pyramides. Nous n’avons vu ni le moindre képi, ni le moindre casque : aucune dégradation, aucune violence.

 

L’aventure continuera un temps pour les LIP, un temps seulement : elle fut bien trop unique, on ne vit pas éternellement sur une île et les militants étaient repartis au loin.

 

D’accord, je rêve encore, mais j’ai bien aimé, ce fut un grand moment… et puis, ça a quand même prouvé que, lorsqu’on est très nombreux, on peut faire reculer la force et le droit s’ils s’écartent, eux, de notre droit chemin … Il suffit simplement de dire à ces mauvais dirigeants que, chez nous, ils ne sont pas chez eux, et aussi, que, s’ils ne montrent pas assez d’humanité, nous ferons avec eux comme avec nos chers animaux de compagnie : nous leur montrons l’endroit où ils pourront déféquer sans déranger personne.

 

Bon, je m’égare, mais ça soulage.

Il fait toujours un froid de chien, la bise est juste un peu tombée. Josette (j’ai du mal à travailler en extension) a pu pulvériser le produit (Bacillus Thuringiensis) pour préserver notre grand buis des attaques de la Pyrale.

 

Bientôt l’heure du repas,

A demain,