7/04

mardi 7 avril : ennui ...


Chronique du jour :

 

On s’ennuyait ferme à la cour : ni grands dîners, ni bals, ni fastes, le Roi ne disait rien. Terrés, chacun chez soi en espérant échapper à la fièvre du Malin, le temps coulait lentement, bien trop lentement.

Quant aux gueux, entassés dans de minuscules logis, sous le joug des édits royaux les empêchant de jouir des maigres plaisirs à eux coutumiers, le temps pesait, les conduisant à toutes sortes d’extrémités et turpitudes.

Avec l’enfermement de tous, devant les juges, on ne vit plus que maris violents en lieu et place des voleurs de poules.

 

Avec les habitudes et le temps, on s’était lassé des disputes anciennes. La faculté attendait et espérait de nouveaux et efficaces remèdes sans plus disputer ou contredire de trublions carabins. Elle se taisait pareillement quand il s’agissait de mesurer l’utilité de petits masques.

Dans les hôpitaux et hospices on faisait au mieux, difficilement mais avec pugnacité, disputant et querellant pour se fournir avant d’autres becs, capes et onguents, et toujours dans la crainte de tomber à son tour dans le lit des malades

 

Las, on ferait le tri plus tard, d’autant que l’on commençait à entrevoir une décrue, les griffes du Malin semblant se desserrer.

 

Silence à la Cour, le Roi muet, le Grand Conseil réfléchissait cependant, entrevoyant une fin difficile pour le Royaume et, pour les Ministres, un avenir incertain.

 

Le Grand Argentier laissait entrevoir à tous une apocalypse : le Trésor Royal réduit à néant, des bourgeois et banquiers dans l’ornière et tous dans le besoin. Prêchant le pire, il espérait que les maigres avantages qu’il pourrait préserver feraient de lui le sauveur du Royaume.

Le Médecin du Roi, lui, pensait déjà au jour de la libération des sujets. S’inspirant de réflexions d’au-delà des Alpes, il faudrait procéder par étapes, et, pour les commerces, de ré-ouvrir en dernier les lieux étroits, les estaminets nocturnes, les caves où l’on dansait et comptait fleurette.

Le Ministre des Polices, grand amateur de lieux de plaisirs en fut fort marri.

 

 

Début de cette quatrième semaine de sinistre ennui (ou pas, on en discutera plus tard). Cette après-midi, je mettrai ma bière en bouteilles : pas de sortie, pas de risque, pas d’attestation à faire. Tout va bien, côté santé, pour nous …

Je pense parfois à d’autres : toubibs touchés par la maladie, vieux trop seuls, réfugiés, sans soins, dans des camps sordides. Pour nous c’est l’espoir d’une fin de crise prochaine.

Il me reviens un souvenir lointain. J’étais militaire : marche de nuit, marche punitive, que mon esprit vagabond avait fait promenade. Les froides et noires heures du petit matin étaient passées, un bout de ciel s’était éclairci et j’avais entendu le premier chant d’un oiseau. C’était bientôt l’aube, la belle aube, l’aurore, il ferait beau. Moi, je marchais, l’esprit léger, mais j’avais un caillou dans ma godasse.

 

Portez-vous.