08/05

Vendredi 8 mai : la forme plus que le fond ...


A la manière de ... Chronique du Royaume.

 

Hier, comme annoncé et à l’heure dite, le premier conseiller pointa sa barbe aux lucarnes. Il disposa à ses côtés quelques ministres afin d’appuyer sa parole et d’expliquer au peuple les tenants et circonstances de la liberté relative qui leur serait accordé prochainement.

Sa parole fut précédée de celles du Premier Médecin et du Savant de Cour qui présentèrent l’état du grand mal et la carte du royaume où figuraient les provinces, chargées de rouge, qui se verraient contraintes plus que les autres. On trouvait, ainsi tachés de cette maudite couleur, maints districts qui voyaient peu de nouveaux malades, mais que l’on avait dépourvu à l’excès de ses hôpitaux et carabins. Cela faisait naitre colère.

Le premier conseiller fit ensuite présentation des ordres donnés, mais, pour la tenue des écoles et les transports d’ouvriers, les choses étaient si minutieusement décrites que leur mise en branle ne se pouvait s'adapter au réel que par grande ingéniosité, science et capacités des édiles, échevins ou maîtres d’industrie. Et c'était donc à eux d’assumer la charge et la responsabilité de ces embarrassants problèmes.

Passant aux libertés du vulgaire, il confirma que la laisse où l’on tiendrait le peuple serait précisément de 25 lieues.

Pour le reste, autant le premier chapitre manquait de précisions ou solutions pratiques, autant celui-ci était marqué de rigueur contre tout manquement. En outre, on ferait interdiction et barrière à tous lieux de promenades plaisants : plages ou lacs. On dresserait barrières à chaque large place, et l'on poursuivrait avec vigueur les impudents, sains ou malades, qui mettraient le pied hors des limites dressées.

Le royaume était le seul, parmi ses voisins, qui mettant la forme avant le fond, remplaçait ainsi la commune et ordinaire sagesse par la peur de fortes et arbitraires amendes, et faisait ainsi de ses gardiens ou agents de paix des fesse-mathieux ou de véritables coupeurs de bourses.

Le théâtre ainsi joué n’amusait guère et le petit peuple grognait dans sa barbe.

 

Le Roi, lui, se tenant coi et, marchant derrière ses conseillers, avait beaucoup perdu en majesté. 

Jeune Roi, il s’était dit Jupiter et montré absolu monarque, tel Louis le quatorzième. 

Mais le grand Roi tenait son trône par droit divin quand le nôtre ne s’y était haussé que par défaut.

 

Dans le royaume :

Grogne passée, on se divertissait, se passant les uns les autres saynètes, farces et surtout nombreux pamphlets. La matière ne manquait guère pour ces derniers : bévues de ministres, agitation des cabinets, scribes allant en tous sens, tels des canards sans têtes et même savants médecins de cour surgissant, tels chats giflés, dès qu’un carabin parvenait à guérir quelques agonisants par une potion qu’ils n’avaient point bénie.

Ce jour, on se gaussait de ce que l’on ait continué à jeter de nombreux becs, et masques, certes anciens mais encore propres, alors que partout on n’était en grand besoin. 

 

Entre arbitraire, incohérences et bévues, le Grand Conseil jouait là une bien mauvaise farce. Et le peuple, privé de ses saltimbanques, enrageait de devoir payer, de sa personne et sur sa bourse, pour un si piètre théâtre.

 

Chez nous :

 

Bien sûr, on grogne … d’abord de tant de bêtise institutionnalisée, tout un environnement … ça finirait par atteindre  l’esprit

Comme défense, il me reste cette petite histoire que je me raconte chaque fois que j’y suis confrontée.

Deux amis, l’un est psychiatre – ils habitent tout deux au même étage, du même immeuble et vont au travail aux mêmes heures : Ils prennent souvent l’ascenseur ensemble. D’un étage supérieur, souvent aussi à la même heure descend un quidam qui, dès qu’il voit le psychiatre, lui colle une belle paire de claques. Le psy ne répond jamais. Son ami, après plusieurs épisodes, lui demande pourquoi il ne répond rien. Le psy : « c’est lui qui est malade, pas moi ».

 

J’essaye parfois, en pensée, d’éviter d’être aussi con que nos gouvernants et aussi de trop rêver à leur tête au-dessus de nos piques, mais quand même, être ainsi privé de liberté alors que je suis sain de corps et d’esprit (enfin, presque), ça affecte. Je retourne à mes saines lectures (les mêmes qu’hier).

 

 

A plus…