24/05

dimanche 24 mai : pas la joie ...


Chronique du royaume :

 

La veille, on avait regardé le spectacle de la grande joute des potions. Celle du Marseillais avait été touchée pendant que celle d’outre-océan marquait quelques points. Le Médecin du Roi s’était précipité pour demander d’ôter la première des pharmacies. La controverse qui semblait se terminer en faveur de la seconde avait bien alimenté les gazettes, plus encore que celle, très ancienne, de Valladolid …

On observait cependant que l’on avait pris soin, dans les études que l’on montrait, d’utiliser la première au rebours des préconisations et posologies de son promoteur pendant que l’on désignait comme miracle les maigres avantages de sa concurrente. De plus, de petites voix soulignaient que les fabuleux gains à espérer d’une toute nouvelle potion obscurcissaient le jugement de maints savants des offices. On avait négligé les anciennes potions au profit de cet espoir de richesses, certes, mais la chose devait aussi à l’incapacité dans laquelle on avait été, faute de becs, masques ou capes, faute de nombreux lits et facilités d’examens, de faire usage tel que prévu de la première, pour tous les sujets et dès les premiers signes du Mal. En haut, le Médecin du Roi, qui était surtout Conseiller et home lige des offices, ne pouvait faire montre de ses manquements devant tous.

 

Le Roi :

Annonça qu’il ferait discours ce mardi prochain sur les mesures qu’il prendrait pour assurer bel avenir à la Manufacture Royale de Coches. On tiendrait ateliers et ouvriers, on ferait modernes et économes coches, le tout, sans nul doute, à grand prix d’argent. Quelques mécréants, méchantes gens, rappelèrent que l’on s’était retiré de l’affaire pour de maigres compensations et surtout pour complaire aux marchands qui voyaient d’un mauvais œil les souverains se mêler d’entreprises. On n’avait, dans la conduite de la Manufacture, plus guère voix au Chapitre. L’argent que l’on mettrait pour restaurer la Manufacture devrait être de bien plus que ce que l’on avait tiré, dans le passé, pour son abandon.

 

Dans les royaumes d’Europe :

Le Roi, en accord avec celui du Saint Empire, avait prévu de faire caisse commune et solidaire avec tous pour parer au désastre de finances qu’entraînait le long arrêt des ateliers et commerces. La chose n’était pas dans la droiture des règles de la Hanse et ne plaisait guère dans les royaumes du Nord. Il y avait cependant, en la matière, nécessaire action et ces royaumes présentèrent beau projet, paré d’intentions, mais fort différent. On aiderait, certes, mais cela contre bon accord, compensations et abandons de valeurs. La forme était connue, on s’en était servie lorsque la Grèce, qui n’ayant de richesse que son ancien prestige, s’était trouvé dans l’embarras. On lui avait certes prêté, mais tout pris en échange, jusqu’à ses antiques ruines.

Il n’y avait, en ce jour, nulle nouvelle qui donne espoir ou prête à glorifier la sagesse de Rois et Nations.

 

Chez nous :

A défaut de mes jambes, c’est ma tête qui voyage… Aujourd’hui, je repense à ces vieux en Ehpad, morts seuls, sans soins, ni secours … « Un vieux qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » qu’ils disaient … sauf que là, ça a été l’incendie de la grande bibliothèque d’Alexandrie.

 

Me reviens aussi la figure d’un camarade/ami (à 10 ans, la distinction n’existe pas). L’ami Marcou : par la suite, on ne s’est que parfois, trop rarement, croisé.

Il était artiste :

Quelques peintures : stupéfiantes,

Photographe : inspiré – mais il n’y a plus guère de place à une époque où la production quotidienne se chiffre en milliards et où celles qui marquent les esprits sont souvent de pur hasard.

Cela dit, grand talent, il était (je parle au passé, je ne l’ai pas vu depuis si longtemps...) il était un génie inconnu, mais auto-suffisant : son art était pour lui.

Je pense à lui à cause de ces vieux et d’une de ses photos : Maison de retraite, une vieille dame, belle, la légende de la photo donne son prénom. Elle est derrière la vitre panoramique de la maison. Des reflets sur la vitre, la dame devient elle-même reflet : l’autre côté du miroir … et je pense à tous ceux qui sont passé, avec quelques mois ou années d’avance, de l’autre côté.

 

L’affaire close, on fera, comme après chaque guerre, des monuments aux morts d’un côté, des arcs de triomphe de l’autre. Je rêve aussi de grands monuments : arcs pour se souvenir, certes, mais de nos hontes et l’on y mettrait :

Sur une face, les généraux et maréchaux sanguinaires de la première guerre, morts sereinement dans leur lit,

Sur une autre, les stupides badernes qui ont perdu si rapidement la seconde, et d’autres crétins coloniaux comme cet officier qui fit massacre des anciens combattants de Sétif,

Pour la troisième, tous ceux qui, par lucre, soif de pouvoir ou simple incompétence ont laissé mourir, après les détresses lointaines, les migrants aux frontières ou en mer, nos proches maintenant : vieillards, médecins et … Une seule face ne suffira pas.  

 

Avec leurs conneries, on finirait par perdre le goût de l’amitié, du bien boire et des rires …

Pour oublier ça, Brassens (si je ne l’ai déjà pas fait) :

https://www.youtube.com/watch?v=zvo64Hv6gfI

 

A plus.