3 décembre - piloris ...


3 décembre : Piloris ...

 

3 décembre

 

Très cher,

 

 

Un temps détestable et une atmosphère pesante fut mon lot ces derniers jours, je m’en voudrais de t’imposer encore le compte rendu débilitant des malheurs de ce royaume.

 

Je cherchais hier quelques lectures plus plaisantes. Faute de trouver les bons ouvrages que nous connaissons, j’ai feuilleté les journaux illustrés semés à maints endroits dans mon logis. Je fus surtout surpris par le nombre de relations d’affaires graveleuses concernant célébrités, précepteurs ou diacres.

Il est vrai que la fin du siècle dernier avait été de grande liberté dans les pratiques amoureuses. On pratiquait, dans les contrées occidentales, à couilles rabattues, mécaniquement, sans distinction d’objet et l’on en faisait même théâtre. L’époque fut aux débordements et cela fit l’affaire de tout ce qui pouvait se trouver de célébrités ou gens de pouvoir. Ils purent profiter sans retenue de ce que la chose fut devenue banale pour imposer leurs vils désirs.

 

J’appris qu’en ces temps on revenait à des pratiques plus équitables : les innocentes victimes reprenaient la parole et étaient entendues. On vilipendait les sordides pratiques des puissants d’hier, on étalait leurs méfaits, des pires aux plus ordinaires. Ce n’était certes que justice. Mais les échotiers y virent source de fabuleux profits. D’autres y trouvèrent une heureuse diversion aux menaces qui pesaient sur le pays ou à notre sombre avenir. 

 

Cette juste croisade fut tellement relayée qu’elle envahit l’espace, groupant le peuple autour de quelques puissants cloués au pilori, et oubliant au passage la multitude des violences et souffrances ordinaires des plus faibles parmi le peuple.

 

 

Pendant ce temps, les affaires continuaient, toujours libres et mécaniques. On avait rangé poèmes et romans, le sexe seulement faisait littérature. A lire cela, on croyait voir les chimpanzés du zoo que nous avions visités : morts d’ennuis, ces singes pratiquaient à journée faite, au vu de tous, pour passer un temps sans but ni consistance.

 

Je songeais à nos poètes, aux jardins de Perse, à leurs anciens poètes aussi : j’ai pris, dans ce petit volume qui ne me quitte pas, Arthur Rimbaud et son « rêve pour l’hiver ».