soulèvement...


soulèvement ....


Insupportable … j’avais enfin cru pouvoir me débarrasser, avec les écolos, de mes dernières convictions politiques classiques, d'une démarche militante et voilà que ….

 

Ils avaient pourtant fait fort : après les socialos et l’acceptation des règles d’une économie libérale, eux avaient joyeusement dérivé vers une écologie économiquement compatible, c’est-à-dire supportant la destruction du vivant, le plus humble mais le plus essentiel, ou une production industrielle éloignant jusqu’à l’absurde les usines pleines d’esclaves et la clientèle.

Ils en étaient réduits à pourchasser nos petites envies de loisirs. Nous pissions sous la douche et roulions sur des vélos électriques. Toutes ces petites actions nous étaient imposées. On lorgnait sur nos maigres économies pour nous équiper de façon écolo-responsable.

Ailleurs, les choses allaient leur train : porte-containers, convois de poids lourds, commerce mondialisé, agriculture industrialisée… Quelques écolos, admis dans les cercles du pouvoir, ne s’y trouvaient que pour cautionner les visées d’industriels ou de financiers.  Les autres, mes anciens compagnons, des gens pourtant respectables, se mettaient en scène pour de petites actions : 100 m de haies ici, un jardin par-là, et surtout, ils veillaient à toutes ces petites actions que l’on entendait imposer au bon peuple. Ils avaient trop et mal lu les ouvrages de ce vieil et si respectable, aimable arabe qui donnait l’exemple d’un colibri, qui « faisait sa part » en portant quelques gouttes d’eau pour combattre un gigantesque incendie. Croire que moi et mon quintal puissent se limiter à imiter un colibri, c’en était trop. Je les avais planté là, gardant la vague rancœur d’une lutte perdue d’avance.

 

D’autres combattaient, parfois sur des chantiers qui m’étaient indifférents, d’autres fois sur des sujets cardinaux. La gestion de l’eau en était un. Quelques soient leurs actions, la réponse des autorités fut édifiante. De la violence, beaucoup, on en connait la mécanique : quelques coups injustifiés, de bonnes gens qui réagissent, quelques « agitateurs » souvent rémunérés : on conserve les vieilles méthodes, et une police, qui, d’après les statistiques, est majoritairement acquise aux idées d’extrême droite...

La suite, on connait, celle des autres « crises » récentes : des violences ou débordements individuels montées en épingle et l’on invoque la « république en danger ». Et l’on en est venu à « dissoudre » un mouvement, « soulèvement de la terre », regroupement informel de militants ou d’associations de défense de l’environnement. Quelques protestations, mais la chose ne faisait guère le poids dans l’opinion publique, coincée qu’elle était entre le destin de touristes des abysses et les orages de ce mois de juin. Je crains pourtant qu’il s’agisse d’un point de bascule, d’une date dans l’histoire de nos institutions et de l’abandon de nos principes fondamentaux.

Sur la forme : l’affaire fut largement impulsée par le « syndicat » agricole majoritaire, simple lobbyste au demeurant, conduit par quelques bons industriels, soucieux de s’affranchir de règles limitant l’atteinte manifeste à l’environnement d’une agriculture « industrialisée ». Ce n’est pas ce que l’on a fait de plus démocratique pour réglementer ou légiférer dans un domaine qui implique et tient le pouvoir judiciaire.

C’est sur ce dernier point que l’affaire est grave. Cette « dissolution » a au moins deux conséquences juridiques majeures :  d’une part, criminaliser ceux qui entendraient se réclamer de, ou reconstituer une structure dissoute, d’autre part appliquer à ses membres (ou supposés tels) un statut digne de celui visant les pires terroristes. Mais comme il s’agit, d’aveu même des gouvernants, non d’une structure établie, mais d’un simple état « de fait », on peut donc impliquer toute association ayant eu quelques sympathies, tout militant en accord avec une action ayant porté l’étiquette des soulèvements de la terre. Autrement dit, la police et quelques procureurs oublieux de la robe ont quartier libre pour inquiéter à peu près tous les écolos ne se limitant pas à l’achat hebdomadaire d’un panier de légumes de saison.

 

Rapproché d’autres errements, d’autres interdits, d’autres poursuites injustifiées, de violences policières dont l’excès nous est reproché par les instances internationales, se pose la question de la nature même d’un régime qui a cessé d’être démocratique. Le fascisme répondait à d’autres critères ; celui-ci, ne répondant qu’au soutien de lobbys, d’intérêts commerciaux ou financiers, s’apparente plus à un système mafieux. Un clou de plus sur le cercueil de mon monde, celui issu des résolutions d’après-guerre.

 

 

J’enrage, 80 balais bientôt : je n’ai plus ni toutes mes dents, ni toutes mes forces. Nos chiards sont dans la merde, les suivants sont incultes : le combat, la guerre plutôt (c’en était une) est perdue… et je suis triste pour les quelques écolos conséquents qui restaient : gloire à eux et paix à leur âme.