Une image, une histoire : la grotte de Nevy
1966 – le Groupe Spéléologique Jurassien en a fini avec l'exploration de la grotte de Menouille et l'inventaire des cavités proches du barrage de Vouglans. Il est en recherche d’explorations nouvelles. Une commune, elle, est en recherche d’explorateurs : ça tombe plutôt bien.
Nevy sur Seille a un problème fondamental : manque d’eau… même dans une commune viticole, ça compte.
A quelques centaines de mètres, au niveau de la rivière, existe bien une résurgence abondante : celle qui jaillit à l’aplomb de la « Borne aux Cassots ». Mais son altitude basse ne permet pas d’alimenter le réseau du village.
On suppose ou espère qu’en explorant cette grotte on puisse atteindre la rivière souterraine alimentant la résurgence à un niveau plus en hauteur, permettant ainsi son exploitation par gravité.
La chose est très aléatoire, bien sûr, mais entre le souhait des spéléos de s’attaquer à cette exploration et l’espoir de la commune de bénéficier d’une source aussi abondante, l’accord est vite trouvé.
La maire des lieux est un personnage fort. Mademoiselle Daumart est boulangère, elle exerce dans son moulin, sur la rivière, un peu à l’écart du centre du bourg. Son pain est une splendeur que je n'ai jamais plus retrouvé. Elle est aussi un peu "vieille France", comme mon ami Coulois, le président du club spéléo. Les choses se font à l’ancienne : à nous les travaux, pour rien d’autre (mais ce fut beaucoup) que l’estime, le pain et les fabuleux goûters d’après travaux.
Nous voilà devant la chose : un porche démesuré, largement plus de 10 mètres, débouchant sur un « talweg » encombré d’éboulis et marquant le lit du torrent qui, auparavant, a dû déboucher de la grotte à ce haut niveau. Sur le côté, un petit boyau, hélas trop étroit, d’où sort un violent courant d’air. Il témoigne, s’il en avait été besoin, de la présence d’un réseau souterrain important. Entre le débit de la résurgence en bas, ce courant d’air et la présence évidente d’un réseau majeur de failles géologiques, tout est là pour faire espérer une découverte majeure.
L’obstacle : un éboulement formidable qui clos définitivement le porche
jusqu'à son plus haut. Mon ami Coulois a toujours eu le gout des choses simples mais radicales ou grandioses : on s’attaque donc au déblaiement quasi complet dudit éboulis. Le
travail commence en tranchée, étayée, mais de grande taille. On s’équipe : quelques dizaines de mètres de voie ferrée, un wagonnet de chantier, une plateforme. On y travaille
chaque semaine : c’est le sujet de la photo.
Des travaux pour les années 1966 et 1967, quelques 2000 m3 (selon nos amis dijonnais, encore plus selon les organisateurs) de déblais plus tard et nous débouchons sur les premières centaines de mètres du réseau. Viendront un premier siphon, la visite de nos amis spéléos-plongeurs de Dijon, d’autres travaux encore, avant de déboucher vraiment au cœur du réseau.
Les espoirs de captage de la rivière souterraine sont désormais
enterrés. c'est heureux : quelques années plus tard, le réseau "moderne" d’assainissement du village de Plasne, sur le plateau, aura quelques faiblesses et la résurgence prendra,
deux jours après, une forte odeur de purin.
Et l’exploration continura … notre petite équipe se désagrégera quelques peu avec notre entrée dans la « vie active ». Le renouvellement se fera, mais pas dans les meilleures conditions.
D’autres viendront, plus attentifs à communiquer, se faire connaître ou à « administrer » les choses…
Mais derrière nos 2.000 et quelques mètres cubes se trouvent désormais le plus long réseau souterrain de la région.