pour ne pas oublier


pour ne pas oublier ... (un ancien post ... celui des débuts du COVID)


Réveil ce matin, chagrin …. On ne peut pas rire tous les jours

 La pandémie spectacle, ça vous atteint le cœur et l’esprit, bonjour tristesse…

 

Je me suis réveillé sur un vieux souvenir des lacs italiens :

 Voyage en vélo, nous rentrons de Venise : à gauche, il y a la grande plaine humide et malsaine, mais ici, nous touchons les premières montagnes, les lacs, la région heureuse où les fortunes s’établissaient au-dessus des miasmes. L’air est pur et les villas splendides : souvent, ce ne sont que des « folies » abritant de vraies passions ou de simples courtisanes. Certaines sont un peu décrépies, d’autres sont recyclées en pseudo palaces gérés par les voyagistes. Mais il reste cette atmosphère que tous trouvent romantique. Les routes  sont belles et j’aime bien les Ritals : c’est un beau souvenir. 

 

Hier, j’ai vu dans BERGAME endormie, passer de sombres et menaçants véhicules militaires emportant, loin de leurs proches, des cercueils standards, des corps scellés dans du plastique, des défunts partis trop seuls, entourés d’appareils.

 J’ai su aussi, près de chez moi, ces vieillards sortant de l’Ehpad dans leur boîte, scellée aussi avant que leurs proches ne les aient vu, et que l ’on a même pas compté, faute de test, dans le décompte sordide de cette pandémie.

 

Le spectacle que l’on nous offre, ou que l’on veut nous montrer est celui des grandes pestes moyenâgeuses : des villes désertes, des familles enfermées et, seuls dans ce désert, des médecins au masque en forme de bec d’oiseau, et des croque-morts poussant les charrettes où l’on entasse les morts du jour.

 

  J’émerge enfin, cela, en dépit des problèmes,  doit beaucoup trop au monde du spectacle. Comme disent les Suisses à propos de notre confinement (nb :  le leur fait plutôt appel au bon sens des gens et des gendarmes) : « nous, nous ne faisons pas de la politique spectacle ».

 Je me débarrasse donc de cette angoisse imposée, juste une petite pensée pour ceux qui sont dans la peine, et je repars.

 

C’est quand même curieux cette situation, cette atmosphère de fin du monde pour une épidémie qui n’est même pas, statistiquement parlant, très mortelle…. Je repense aux 30.000 décès de vieux dus à une canicule récente, aux détresses africaines que nous avons superbement ignorées … Non, c’est juste curieux de voir un tel désordre, un tel affolement de la part de nos dirigeants aux super-pouvoirs, descendus de leur trône de papier monnaie, subitement impuissants.

Et je retrouve Arthur (Rimbaud, évidemment) et « les Assis »

 

- Oh ! ne les faites pas lever ! C’est le naufrage…

 Ils surgissent, grondant comme des chats giflés,

  Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage !

  Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.

 

Et vous les écoutez, cognant leurs têtes chauves,

  Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors,

  Et leurs boutons d’habit sont des prunelles fauves

  Qui vous accrochent l’oeil du fond des corridors !

 

  Puis ils ont une main invisible qui tue :

  Au retour, leur regard filtre ce venin noir

  Qui charge l’oeil souffrant de la chienne battue,

  Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir

 

Rassis, les poings noyés dans des manchettes sales,

  Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever

  Et, de l’aurore au soir, des grappes d’amygdales

  Sous leurs mentons chétifs s’agitent à crever.

 

DEMAIN, justement, parlons-en :

Une fois l’hydre vaincue par nos vaillants mais pauvres soignants, ils nous désigneront, superbes et triomphants, tel UBU descendant du rocher, le cadavre de la bête et retourneront à leur imprimerie héritée de Monsieur LAW. Leur trône de papier reconstitué, ils rempliront de monnaie fabriquée quelques hélicoptères qui négligeront les bas- fonds où stagnent les damnés de la terre. Ils pourront alors terminer le poème : 

 

Quand l’austère sommeil a baissé leurs visières,

  Ils rêvent sur leur bras de sièges fécondés,

  De vrais petits amours de chaises en lisière

  Par lesquelles de fiers bureaux seront bordés ;

 

Des fleurs d’encre crachant des pollens en virgule

  Les bercent, le long des calices accroupis

  Tels qu’au fil des glaïeuls le vol des libellules

  - Et leur membre s’agace à des barbes d’épis. 

 

 Et, en prime, un lien vers Bernard LAVILLIERS  chantant Arthur sur une musique du cher vieux Léo Ferré

 https://www.youtube.com/watch?v=Z0hvdrhXNR8

à plus, portez- vous …