Parpaillon


souvenirs du Parpaillon


PARPAILLON

 

Le mot me revint à l'esprit après avoir publié, pour célébrer son entrée dans l’ octogénariat,  une photo de Josette à vélo gravissant ce col : sa tenue était strictement minimaliste, son attitude parfaite. Le vélo, d’un excellent acier japonais (6/10° renforts 9/10°), avait la coupe des futurs « Gravel » du siècle suivant et était chaussé de « Michelin Bib TS cross » de 28 mm de section. La charge n’était qu’un gros volume dédié au couchage accompagnant deux minuscules sacoche. La photo fut prise dans la célèbre montée, peu après le village de Crévoux ...

Toute une époque…

 

Le lendemain, ce fut mon voisin m’annonçant son intention de gravir la chose et se souciant de savoir s’il devrait, pour cela, se munir de son VTT assisté électriquement ou de son préféré, un moderne Gravel.

 

Les souvenirs revinrent avec le nom : PARPAILLON.

 

Tant qu’à faire et à évoquer ceux-ci, autant revenir aux origines.

Il y a un siècle ou plus, de prestigieuses badernes, craignant la fureur de nos voisins italiens, songèrent à établir une sorte de ligne Maginot sur nos montagnes : les alpages se couvrirent alors de forts et de casernes. Il fallut approvisionner et relier tout cela par des routes : celle dite « des grandes Alpes » en sortira, œuvre du Génie Militaire et surtout des bras musclés de pauvres bidasses. Plus tard, la route, popularisée par les coureurs du Tour de France, s’élargira et se couvrira de bitume au profit de touristes avides de pseudo exploits automobiles. Seul, ou quasi, le Parpaillon sera négligé et échappera à cet engouement. Il restera ainsi qu’on l’avait établi, ouvrages d’art compris, ces derniers constitués essentiellement d’un tunnel sommital fermé par une lourde porte de fer.

 

Par la suite les « cyclotouristes », appellation d’origine brevetée Vélocio, sortiront ce col de l’oubli.

Il y eu d’abord des paris, jeux futiles : "je laisse au sommet un tube contenant une cigarette, pour toi si tu en est capable" … Devenu un peu moins confidentiel, on fit de ce col un objectif sérieux et l’on déposa à l’épicerie de Crévoux, village isolé dans ce désert alpin, un livre d’or dédié aux valeureux ayant réussi l’ascension. Leur nombre cru, et ce d’autant plus vite que fut organisé, par la suite, un « rallye cycliste » autour de cette montée devenue mythique. Ils furent désormais des centaines, chaque année, sur toutes sortes de machines, certaines de course et chaussées de boyaux, à rejoindre le haut et, ouvrant la lourde porte, passer le tunnel, parfois encore encombré de glace.

Le spectacle de cette troupe de fous lancés à l’assaut de la montagne, inspira un cinéaste qui y vit, et en fit, une œuvre dédiée à Alfred Jarry (mais était-ce celui du « surmâle » ou celui « d’Ubu roi » ?) …

 

PARPAILLON, le mythe est établi, et les années passent

 

Nous le franchirons plusieurs fois : cyclo campeurs légers comme sur la photo, ou avec notre club ou des amis, troupes bruyantes, mais toujours, pour le respect des anciens, sur des vélos  « de randonnée » aux pneus de taille maximale « 700 standard » soit 32 mm.

A Crévoux, je n’ai pas cherché le mythique livre d’or … existe-t-il encore ? et l’épicerie même ? a-t-elle survécu ? ou s’est elle mise au goût du jour, acceptant désormais, comme un cher camarade avait cru utile de le demander il y a 40 ans, la carte American Express ? (ça fait rire quand on imagine l’établissement tel qu'il était alors) .

 

Nous sommes peu désormais à se souvenir du mythe. D’autres viennent, leurs exploits sont sur les réseaux sociaux et des applications dédiées : c’est un moindre mal !!!

Il y a aussi des « vaillants », juchés sur de puantes "pétrolettes" et publiant leurs (dépl)mémorables vidéos sur Youtube : encore Jarry, mais hélas, père UBU a chassé le surmâle.

 

Nous sommes vieux aujourd'hui, nous n’irons plus au bois, les lauriers sont coupés … mais que ce fut bon !!!

 

Nb : le film « ubuesque »  Parpaillon est sur Youtube (sous-titré en russe mais bon …)

le film