une chanson de Brel : les vieux

Les vieux, c'est ceux de la chanson de Jacques Brel : ceux qui ne parlent plus, qui ne rêvent plus, qui ne bougent plus …
J’ai aimé cette chanson, il y a un demi-siècle, mais voilà, l’âge est venu… un peu en avance pour nous, covid long oblige : à choisir perte de mobilité ou brouillard mental et des capacités qui sont désormais celles de centenaires.
Un groupe Facebook, ami des poètes, me remet la chanson sous le nez : sans doute
un anniversaire du grand Jacques. On s’extasie, et en plus on larmoie, toujours dans l’excès, sur ces vieux, silencieux, qui n'inspirent que pitié.
On me montre ça à moi, qui ai envie d’hurler à chacune des nouvelles du monde, devant l’apathie générale face à une société ignoble, face à nos anciens combats perdus.
Alors si vous dites que l’on ne parle plus, sinon du bout des yeux, j’ai envie de gronder ...
Vous nous voyez éteints,
Vraiment ? après nos 60 ou70 années à voir, entendre, lire, étudier, apprendre ; ou à l'inverse, à écouter ou dire, parfois, des conneries ... vous êtes certains d'en savoir plus, vous, nous serions incapable de dire, d'apprécier, juger ?
Pour le reste, c'est vrai ... question rêves, l’érotisme a fui, les présents sont plus ternes. Quant au muscat du dimanche, s'il ne m’a jamais fait chanter, c'est que je suis plutôt rhum arrangé ( la dernière bouteille que j’ai préparée est tout à fait honorable…)
Décidément non, je n’aime pas la chanson, elle ment, elle nous fait injure : nos efforts pour garder la tête droite valent bien ceux de nos anciens "exploits" sportifs....
Je continuerai à grogner contre ce qu’est devenu mon jardin, notre monde…
Il m'arrive de crier parfois : chapelet de jurons, mais c’est seulement l’analgésique indispensable quand il me faut agiter mes douleurs articulaires : ce n’est pas une plainte.
Et demain : encore des interrogations, encore des lectures,
Je regarderai toujours les nuages, les lumières, le soleil dans les branches ou les courbes du terrain.
Les savoirs sont infinis, la beauté est partout. Une vie ne suffit pas à l’inventaire.
Pour finir, et pour la pendule, la mienne n’est pas d’argent et ne ronronne plus : c’est une
vieille comtoise qu’il me faudra demain déposer et réparer : les vieilleries, de temps en temps, il faut un peu d’entretien ou des soins …
Alors mes seigneurs, oubliez Brel et sa chanson, sécher vos élans et vos larmes : les vieux, ils ont, parfois ou un peu, besoin d’aide, pas
forcément de votre passive compassion…
NB : j’aime toujours Brel, mais je l’aime mieux tonitruant…