Désert médical ... laissez moi rire

Il y a 70-75 ans, comme tous les gamins, des fées s’étaient penché sur nous… des fées non, des magiciens plutôt. Tout petits, nos toubibs avaient fait l’inventaire : les poumons, le cœur étaient entendus, les oreilles, le palais scruté, le service 3 pièces soupesé et validé.
Le reste venait à l’avenant : maladies infantiles surveillées, combattues comme l’on pouvait. Pour la suite, la redoutée tuberculose : cuti-réaction, BCG, suivi rigoureux pour les « positifs ».
Un médecin scolaire tout les ans et la visite, en ligne et en caleçon à la même régularité que la photo de classe.
L’ordinaire des kinés était alors d’animer la « gymnastique corrective » des scoliosés scolarisés… Pour le reste, le toubib était de famille et accourait quand c’était sérieux. Les temps étaient durs, la médecine était une amie, nous lui avions confié notre corps. …
Je fus heureux, mes toubibs étaient d’une autre époque, celle de l’examen clinique, tous ces gestes bizarres qui tous avaient une signification, cherchaient une faille, une maladie. Notre corps leur était dévoué, il ne les rebutait pas. Pour un peu, si cela s’avérait nécessaire, ils étaient prêts à enfiler les gants pour pousser l’investigation, ou à analyser plus encore en s’aventurant un peu sur le terrain du spécialiste, du dermato…. Un toubib, c’était un proche… comme si cela avait pu durer.
Plus tard, il y eu la grande ville, les peurs et les rejets : l’empathie a ses limites, elles furent vite atteintes.
Il fallait un substitut à, la médecine de nos pères. Si l’on a peur de toucher, il reste l’analyse, le laboratoire, la machine qui explore sans contact : radio, échographie, médecine nucléaire…
ça coûte un peu, beaucoup en fait … ça retarde aussi la découverte : un nodule au sein, une grosseur dans les intestins, le temps de prescrire, d’avoir rendez-vous et l’issue change…
Cher c’est cher, définissons des normes, des protocoles… normal, la norme encore…
Côté Toubib, on résume : on ne touche pas, c’est risqué !! on oublie les années d’études sur l’examen clinique. On suit des protocoles on prescrit les actes et analyses prévues… Le reste, c’est la pharmacopée, molécules et posologies souvent standardisées… Une fois placé dans la bonne case, la suite est écrite, et même pas par une intelligence artificielle… Un automatisme, le professionnel derrière l’écran d’ordinateur, une ordonnance impeccable sortant de l’imprimante.
Ne vous égarer pas : mes néo-toubibs sont gens respectables et savants, mais ça me fait un peu chier qu’ils soient tenus dans ce rôle de quasi télé-consultant, qu’ils ne cherchent pas à s’en échapper pour montrer leur intelligence et la valeur de leur art.
Qu est-ce que vous voulez ‘que je fasse d’un toubib, qui sera trompé parce que je ne saurai pas lui décrire correctement mes symptômes et qui ne découvrira mes maux que par hasard ou accident, en fonction de ma date de naissance, de pré-supposés … Il a l’air bon, pourtant, et sympa aussi, mais il n’a jamais vu mon nombril, ne sait pas l’état de mon foie. Il n’a jamais cherché d’anomalie dans mes intestins (et je pense à mon père, à cette grosseur trouvée à l’examen, un peu tard il est vrai…) et j’ai peur, pas de mourir, mais de mourir bêtement, à cause de pratiques médicales stupidement standardisées …
On parle de déserts médicaux … la belle affaire quand l’art médical lui-même est un désert…
NB : il y a quand même des toubibs qui cherchent à faire de la médecine dans ce contexte-là : Bon courage, respect.