rêves


J'ai trop rêvé ...


 

On me montre ces fumées, ces flammes …

81 ans et l’âge sombre : je fait désormais un tri parmi les présents : j’écarte la désolation de celui-ci.

  

Les Corbières sont aujourd'hui dans mes souvenirs, heureux, précieux ,…

Ma quarantaine passée, solide, moins que Josette, mais solide. C’est notre période « vélo, cyclo-randonneur » et nous venons souvent dans ces contrées : il y a des amis dans le secteur et nous avons une attirance pour ces collines. Nous faisons collection de cols : la région en fourmille.

 

La tente est plantée non loin, nous allons de cols en cols … parfois, il faut, à l’écart des routes, passer les collines sur des chemins encore entretenus … à notre détriment : on a coupé les épineux des haies bordant le chemin et leurs pointes jonchent notre route : crevaisons …. Mais il y a encore une campagne au milieu de ce maquis portant de petits chênes, emblèmes de notre Sud. Au pied de ces collines de minuscules "vallées" montent à l’assaut des pentes … Le paysage est éclaté en collines, en plateaux, en sommets… tous les petits creux, vallées ou dolines ont rassemblé les argiles « de décalcification » …. La végétation a suivi : l’espérance d’une petite source, la bonne terre,  et la vigne s’insinue dans le paysage comme une langue verte dans la sécheresse d'un maquis de juillet. Une réflexion en passant : le paysage est vert, l’incendie n’y a que peu de prise.  Finalement le secteur paraît riche : on passe de nombreux petits villages : Tuchan, d’autres. Demain,  les châteaux cathares seront notre but. La campagne est telle qu’on la conçoit chez nous : les vieilles maisons, entourées de leurs jardins. Des verges aux alentours : tout est en ordre, même si les gens paraissent un peu vieux et si beaucoup ne sont que des touristes …

Voilà, en quelques lignes, ce souvenir heureux.

 

La suite est si facile a imaginer …

le pastoralisme : il ne faut pas exagérer, qui pourrait bien y vivre et en vivre …

Les vignes : étroites, tordues : quelques rangs, à travailler seulement à la main, ou à la mule et des vendanges ? avec des vendangeurs, si l’on peut encore en trouver…

Pour quel vin ? des cépages bizarres, anciens, rendement ridicule, appellation de rien …

Direction la coopérative et le précieux liquide part par camions citerne moyennant quelques billets … Arrachage subventionné, plantation plus bas, en plaine avec de bons cépages standards : Qui pour leur reprocher ? ... mais là-bas le maquis a gagné les fonds …

Au village, on en est passé des retraités à la maison de plaisance de leurs enfants, ou, succession liquidée, à quelque belge égaré. Au moins les solides maisons ne tomberont pas .. mais les jardins qui les entoure sont devenus pelouses et les courtes haies sont devenues Ifs, tuyas ou lauriers qui montent au plus haut pour abriter des regards l’adipeuse nudité de leurs nouveaux propriétaires

 

On aura deviné : la campagne a perdu quelques-unes de ses meilleures protections contre les ravages des feux d’été …J’ai entendu ça, mais franchement, bien malvenu celui qui oserait critiquer les habitants, ou les derniers cultivateurs ou viticulteurs encore attachés aux Corbières … Les plus rêveurs des écolos pensent qu’il faudrait restaurer les paysages agricoles anciens …Ils ont raison, au moins autant que ceux qui comptent en nombre de Canadairs… mais ils rêvent …

 

 

Moi, si vieux : j’ai donné 16 mois de ma vie, sans la rémunération de fonctionnaire que j’aurais dû percevoir, à un service militaire, qui m’a fait connaitre ce curieux milieu, mais dont je suis sorti plus pacifiste que je n’y était entré. Maigre gain pour la patrie, mais lourd tribut pour le citoyen que j'étais, convenez en …

et si l’on pouvait un jour mener pareillement ce combat capital : l’entretien de notre environnement, de la nature ? ce ne peut plus être ni les agriculteurs ou viticulteurs, ils ont bien assez à faire avec leurs problèmes, ni les chasseurs (hi hi) ni les forestiers…alors ?

 

Je rêve trop, il faut que j’arrête le rhum arrangé …